En Belgique, il existe plusieurs options
afin d’enregistrer une marque puisqu’il est possible d’opter pour une marque Benelux
ou une marque communautaire. La marque Benelux a remplacé la marque nationale
sur le territoire du Benelux, ce qui explique qu’il n’y ait pas de marque
strictement belge.
Le choix entre l’un et l’autre
varie en fonction de plusieurs facteurs dont le plus important porte sur
l’étendue géographique sur laquelle l’entrepreneur (designer, créateur de
mode,…) souhaite être actif.
Nous profitons d’un récent Arrêt (Tribunal
de l’UE le 21 avril 2015 - affaire T 359/12) pour faire quelques rappels en
matière de marque communautaire, puisque c’est une telle marque qu’avait
enregistré Louis Vuitton, partie
requérante dans ladite affaire. En l’espèce, le célèbre malletier avait
enregistré son tout aussi célèbre motif à damier, d’une part en marron et
beige, et d’autre part en gris.
En effet, de manière générale, un
motif peut valablement être enregistré comme marque. Selon l’article 2 de la
directive européenne 2008/95 « Peuvent constituer des marques tous les
signes susceptibles d’une représentation
graphique, notamment les mots, y compris les noms de personnes, les dessins,
les lettres, les chiffres, la forme du produit ou de son conditionnement, à
condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les
services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises ».
Pour être valablement enregistrée,
une marque doit répondre à une série de conditions, à savoir être disponible,
distinctive, et licite. Le caractère distinctif est l’aptitude de la marque à
distinguer, aux yeux du consommateur, un produit ou un service particulier, et
de faire le lien avec l’entreprise dont il provient. Tel ne sera pas le cas
s’il s’agit d’un simple élément décoratif. C’est principalement cette question
qui a été examinée par le Tribunal de l’UE.
Le Tribunal commence par rappeler
les principes en matière de caractère distinctif. Le caractère distinctif d’une
marque signifie que « cette marque permet d’identifier le produit pour
lequel l’enregistrement a été demandé comme provenant d’une entreprise
déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux issus d’autres
entreprises » (§18).
Il « doit être apprécié, d’une part, par
rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement a été
demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent,
qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits ou services »
(§19).
Le Tribunal remarque ensuite que
cette marque se présente sous la forme d’un motif destiné à être apposé sur un
produit tel que des sacs, portefeuilles, parapluies,… Dès lors, elle est intrinsèquement liée à
l’aspect des produits qu’elle désigne, et il faudra tenir compte de cette
caractéristique lors de l’appréciation de son caractère distinctif, la
perception du consommateur moyen qu’il y a lieu de prendre en compte étant liée
dans cette situation à l’apparence du produit lui-même (§24).
En d’autres termes, quand vous
voyez un sac Louis Vuitton recouvert de ce motif, vous faites le lien avec
l’entreprise. Mais feriez-vous le même lien si vous voyiez ce même motif sans
le sac ?
Il est donc plus difficile
d’établir le caractère distinctif d’une telle marque que d’une marque verbale
ou figurative, qui, elle, consiste en un signe indépendant de l’apparence du
produit qu’elle désigne.
Le Tribunal examina ensuite si le
motif diverge de manière significative des habitudes du secteur de manière à
permettre au consommateur d’identifier le produit comme provenant d’une
entreprise déterminée, et donc de le distinguer des motifs provenant d’autres
entreprises.
Le Tribunal répond par la
négative, car selon lui le motif contesté consiste :
- en un damier, motif régulier de carrés alternant deux couleurs, considéré comme basique et banal, utilisé depuis toujours.
- en une structure à trame et à chaîne constituant un motif à l’intérieur des carrés, que le Tribunal considère comme habituel dans le secteur.
Cela peut paraitre surprenant
dans le secteur de la mode et du luxe. Et c’est ce que Vuitton avance comme
argument. Il existerait selon lui une pratique qui conduirait le public à être
habitué à percevoir en tant que marques de tels signes, y compris de tels
motifs recouvrant les surfaces de certains produit (§32). Cependant le Tribunal
balaie ces arguments, les considérant sans pertinence afin d’apprécier le
caractère distinctif.
Dès lors
la marque projetée ne remplissait pas la condition de distinctivité.
Cette
analyse est importante en matière de droit des marques, mais si telle est la
conclusion du Tribunal, un pourvoi a été forme devant la Cour, et il sera
extrêmement intéressant de savoir si celle-ci suivra cette première analyse…