Transformant nos villes en véritables musées mouvants, se révélant au détour d’une rue, sur un mur, un poteau, une rame de métro, sans limites ni frontières, le Street Art ne cesse d’interpeller. Analyse juridique de ce phénomène.
Ce mouvement artistique contemporain, dont l’emblème est le graffiti, présente la particularité que l’œuvre est réalisée sur un support qui n’est pas la propriété de l’artiste mais d’une autre personne qui peut avoir donné ou non son accord à la réalisation de l’œuvre.
Notons que le graffiti, ou graff, doit être distingué du tag qui constitue un acte de vandalisme à part entière, sans aucune démarche artistique.
Pratique légale et droits d’auteur
Dans l’hypothèse où l’artiste dispose de l’accord du propriétaire du support avant la réalisation de l’œuvre, une relation contractuelle (souvent orale) se noue entre les parties.
C’est par exemple le cas de commandes de fresques murales par des organismes publics ou encore des commandes à des graffeurs.
A titre illustratif, citons l’exemple de Miss-Tic, artiste bien connue dans le milieu, qui a été amenée à modifier sa pratique suite à une condamnation de sorte qu’elle demande systématiquement une autorisation préalable aux propriétaires, faisant ainsi entrer sa pratique dans un cadre légal plus traditionnel mais peut-être moins en accord avec ce qui fait à l’attrait du street art auprès des amateurs, à savoir son côté inattendu et illégal.
Comme n’importe quel autre artiste, l’auteur du graffiti reste le titulaire de ses droits d’auteur sauf disposition contraire stipulée dans le contrat. Il jouit donc sur son œuvre d’un « droit moral inaliénable » et « dispose du droit au respect de son œuvre lui permettant de s'opposer à toute modification de celle-ci » .
Bien qu’il y ait un accord du propriétaire, il faut aussi relever la nécessiter pour l’artiste de respecter d’autres types de règles comme celles en matière d’urbanisme par exemple.
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© Art Rrrainbow/Shutterstock |
Le conflit entre le droit de propriété sur le support et les droits d’auteur de l’œuvre réalisée sur ce support est par essence exacerbé en l’absence d’accord du propriétaire. Dans ce cas, l’acte de création est illégal et passible de sanction pénale. Evidemment, l’artiste a alors conscience que l’intégrité de l’œuvre est toute relative, le propriétaire pouvant décider de la détruire (l’effacer) purement et simplement. En cas de contestation, les chances de succès de l’artiste seraient bien minces.
Le propriétaire et son droit sur le support de l’œuvre
Si le propriétaire a donné son accord au graffeur pour réaliser l’œuvre, il conserve la propriété de l’immeuble sur lequel l’œuvre a été apposée. L’on se retrouve alors dans une situation avec un artiste titulaire de ses droits d’auteur et un propriétaire titulaire de son droit de propriété. En cas d’un conflit, et faute d’une convention écrite, les tribunaux devront procéder à un équilibre délicat entre deux droits à valeur identique et dont la jurisprudence nous enseigne une mise en balance des droits de chacun avant de trancher le conflit.
En absence d’accord, le propriétaire du support pourra, en vertu de son droit de propriété (ici violé), exiger la remise en état de son bien dans l’hypothèse où il ne souhaite pas conserver l’œuvre, voir même demander des dommages et intérêts.
Le rôle des autorités publiques
A côté de ces confrontations, les autorités publiques ne restent pas impassibles face à la réalisation de ces œuvres particulières. Souvent, elles prennent diverses mesures face à ce qui est souvent jugé comme une dégradation pure et simple. C’est ainsi que la ville de Bruxelles propose à ses habitants l’enlèvement gratuit de graffitis (et surtout les tags) réalisés sur les façades. D’autre part, la capitale lance également des appels à projets afin d’encourager le développement du Street Art dans la ville, sans compter les nombreuses expositions mettant à l’honneur cette pratique.
A la frontière de la légalité dans sa mise en pratique, le Street Art n’a pas fini de faire parler de lui…
Alexandre Pintiaux
Agnès Martinelle