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mercredi 29 juillet 2015

L’arrêt Painer : quelques précisions sur la condition d’originalité en matière de droits d’auteur

Nous profitons de la période estivale pour procéder à quelques rappels bien utiles dans le secteur culturel et artistique.

Ainsi, il suffit que deux conditions soient rencontrées pour bénéficier de la protection offerte par le droit d’auteur sur une création, à savoir :

- la mise en forme,
- et l’originalité.

Contrairement au droit des marques ou des brevets, il n’est donc nullement nécessaire de procéder à un enregistrement pour protéger ses œuvres (sauf à vouloir obtenir une date certaine attachée à la création).

La jurisprudence s’est chargée de délimiter les contours de ces deux conditions. 

Source Shutterstock
La condition d’originalité avait déjà été commentée par la Cour de justice de la Communauté Européenne dans l e célèbre arrêt Infopaq (1). Selon la Cour, le critère d’originalité est rempli si l’œuvre sur laquelle la protection par le droit d’auteur est revendiquée a « permis à l’auteur d’exprimer son esprit créateur de manière originale et d’aboutir à un résultat constituant une création intellectuelle».

Quelques années plus tard, dans l’affaire Painer (2) la Cour se penche à nouveau sur cette condition d’originalité.

La Cour commença par rappeler sa jurisprudence Infopaq en ce sens qu'une œuvre originale doit être comprise comme une « création intellectuelle propre à son auteur » et, conformément au dix-septième considérant de la directive 93/98, refléter la personnalité de celui-ci (§§87-88).

Selon la Cour, cette condition est remplie à partir du moment où « l’auteur a pu exprimer ses capacités créatives lors de la réalisation de l’œuvre en effectuant des choix libres et créatifs » (§89), c’est-à-dire en y insufflant sa « touche personnelle » (§92)

La Cour poursuit en précisant qu’en matière photographique, et plus particulièrement en matière de portrait, l’auteur pourra poser ces choix libres et créatifs à divers moments et de plusieurs façons (§90) :

  • Au stade de la phase préparatoire, l’auteur pourra choisir la mise en scène, la pose de la personne à photographier ou l’éclairage ;
  • Lors de la prise de la photographie de portrait, il pourra choisir le cadrage, l’angle de prise de vue ou encore l’atmosphère créée ;
  • Enfin, lors du tirage du cliché, l’auteur pourra choisir parmi diverses techniques de développement qui existent celle qu’il souhaite adopter, ou encore procéder, le cas échéant, à l’emploi de logiciels (§91).

Une photographie de portrait pourra donc, selon la Cour, être protégée par le droit d’auteur pour autant qu’elle constitue une « création intellectuelle de l’auteur reflétant la personnalité de ce dernier et se manifestant par des choix libres et créatifs lors de la réalisation de cette photographie » (§94).

La Cour rappelle enfin que la protection accordée par le droit d’auteur est uniforme et ne varie pas selon le type d’œuvre (§97-98).

Source Shutterstock
L’enseignement principal de cet arrêt porte donc sur la première condition de protection, à savoir l’originalité, qui peut être rencontrée à différents stades du processus créatif.

Nous en profitons donc pour rappeler aux artistes de bien documenter leur processus créatif (ne rien jeter !), car en cas d’atteinte à leur droit, ce sont notamment ses éléments que nous examinons afin de prouver l’originalité de l’œuvre, et ce à tout stade du processus créatif.


(1) C.J.C.E., 16 juillet 2009, C-5/08, Infopaq.
(2) C.J.U.E., 1er décembre 2011, C-145/10, Painer.

dimanche 19 juillet 2015

Rappel des quelques principes en matière d'exportation d'oeuvres d'art en Europe pour mieux percevoir les nuances de la réforme allemande

Extrait du manuel "L'art et le droit en Belgique".


Un des principes fondateurs de la Communauté européenne porte sur la libre circulation des biens au sein de l’UE; cette libre circulation devant aussi viser les objets culturels.

Néanmoins, afin d’éviter la fuite du patrimoine européen hors de ses frontières et d’assurer, par voie de conséquence, la protection des biens culturels européens, la Communauté s’est saisie du problème en édictant un règlement [1]. Au terme de ce texte, l’exportation d’une œuvre est soumise à la nécessité d’obtenir une licence d’exportation. Cette licence est octroyée par l’autorité compétente à la demande de l’intéressé. En Belgique, s’agissant de biens culturels, ce seront les Communauté française, flamande ou germanophone qui seront compétentes selon les cas ; la compétence étant définie en fonction du lieu où l’objet à exporter se trouve.

Evidemment, ce règlement n’a pas vocation à s’appliquer au moindre petit objet pouvant être qualifié orgueilleusement d’œuvre d’art. Au contraire, il ne vise qu’une série de biens dont la valeur historique, culturelle et pécuniaire est particulièrement importante[2].

Un seuil financier est appliqué en fonction des différentes catégories. Si ce seuil n’est pas atteint, une licence d’exportation ne sera pas nécessaire. Les seuils, suivant les types d’objets en cause, varient entre 15.000 EUR (par exemple pour les mosaïques, les photographies, les dessins) et 150.000 EUR pour les tableaux. Le seuil est de 50.000 EUR pour les statues, les voitures de collection et les livres notamment.

En tout état de cause, il est également nécessaire de s’en référer à la législation nationale. En Belgique, les matières culturelles sont réglées par les Communautés linguistiques[3].

[1] Règlement (CE) n° 116/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 concernant l'exportation de biens culturels.
[2] Il s’agit :
1) D’objets archéologiques ayant plus de 100 ans d'âge et provenant de :
-              fouilles ou découvertes terrestres ou sous-marines,
-              sites archéologiques,
-              collections archéologiques ;
2) D’éléments faisant partie intégrante de monuments artistiques, historiques ou religieux et provenant du démembrement de ceux-ci, ayant plus de 100 ans d'âge ;
3) De tableaux et peintures faits entièrement à la main, sur tout support et en toutes matières ;
4) De mosaïques, autres que celles mentionnées ci-dessus, et dessins faits entièrement à la main, sur tout support et en toutes matières ;
5) Des gravures, estampes, sérigraphies et lithographies originales et leurs matrices respectives, ainsi que les affiches originales ;
6) Des productions originales de l'art statuaire ou de la sculpture et copies obtenues par le même procédé que l'original ;
7) Des photographies, films et leurs négatifs ;
8) Des incunables et manuscrits, y compris les cartes géographiques et les partitions musicales, isolés ou en collections ;
9) Des livres ayant plus de 100 ans d'âge, isolés ou en collection ;
10) Des cartes géographiques imprimées ayant plus de 200 ans d'âge ;
11) Des archives de toute nature comportant des éléments de plus de 50 ans d'âge, quel que soit leur support ;
12) Des collections et spécimens provenant de collections de zoologie, de botanique, de minéralogie, ou d'anatomie, de collections présentant un intérêt historique, paléontologique, ethnographique ou numismatique ;
13) Des moyens de transport ayant plus de 75 ans d'âge
14) Et tout autre objet d'antiquité non compris dans les catégories reprises ci-dessus :
a) et ayant entre 50 et 100 ans d'âge tel que les jouets, jeux, les verreries, les articles d'orfèvrerie, les meubles et objets d'ameublement, les instruments d'optique, de photographie ou de cinématographie, les instruments de musique, l’horlogerie, ouvrages en bois, poteries, tapisseries, tapis, papiers peints, armes
b) ou ayant plus de 100 ans d'âge.
[3] Le formulaire de demande de licence d’exportation est disponible à l’adresse suivante :
http://www.patrimoineculturel.cfwb.be/

mercredi 8 juillet 2015

A lire aujourd'hui dans le journal Le Soir / Le Mad.

Mon dernier article en droit de l’art aborde la délicate question des due diligence lors de l’achat d’une œuvre d’art. 

Parmi les risques à évaluer: le cas du vol de l'oeuvre.


Photo: Sutterstock