Le marché de l’art est soumis à la même législation anti-blanchiment que les avocats, notaires, comptables. Faisons un point sur les évolutions récentes.
Nous évoquions déjà dans une
précédente chronique[1]
une importante directement relative à la prévention de l'utilisation du système
financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme.
Celle-ci a été transposée en droit belge par la loi du 20 juillet 2020. Il en
ressort un assujettissement de tous les acteurs du marché de l’art. Une série
d’arrêté royaux (« AR » - entrée en vigueur dès cet été)) viennent
d’être publiés, lesquels sont spécifiques à chaque acteur du marché qui nous
concerne.
C’est l’occasion de faire le
point sur chacun des cas de figure dans nos prochaines chroniques.
Quels acteurs ?
La loi ratisse de manière
particulièrement large puisqu’elle vise les personnes physiques ou morales, qui
achètent, vendent ou agissent en qualité d'intermédiaires dans le commerce d'œuvres
d'art ou de biens meubles de plus de cinquante ans, lorsque le prix de mise en
vente d'un ou d'un ensemble de ces œuvres ou biens, est d'un montant égal ou
supérieur à 10 000 euros, et inscrits auprès du Service Public Fédéral
Economie, PME, Classes moyennes et Energie.
Les intermédiaires visent notamment,
parmi les autres acteurs du marché, les maisons de vente aux enchères[2].
Il en découle un assujettissement
particulièrement large de la plupart des acteurs du marché, à condition que la
valeur de l’œuvre d’art ou l’antiquité concernée par l’opération dépasse le
seuil financier, alors que cette législation s’avère particulièrement
difficile, voire impossible à respecter dans toute sa rigueur, en faisant
supporter aux acteurs de l’économie des vérifications qui étaient par le passé
faites par l’autorité étatique.
Quelle particularité pour une
maison de vente ?
En tant qu’assujetti, les maisons
de vente doivent mettre en place une procédure interne qui vise à s’assurer que
l’ensemble des collaborateurs de la maison de vente sont formés et ont
conscience qu’une veille permanente doit être faite par chacun.
L’AR précise de manière technique
les points de vigilance que la maison de vente doit respecter pour agir en
conformité avec la législation.
Illustrations
La maison de vente à l’obligation
d’identifier tant l’acheteur que le vendeur d’une œuvre d’art. Si l’œuvre
n’était pas évaluée à plus de 10.000 EUR mais que l’adjudication dépasse
finalement ce seuil, la maison doit alors rétroactivement mettre en œuvre sa
procédure interne, dont notamment l’obligation d’identification. Les données
doivent être conservées par la maison de vente ce qui vise : les preuves
d’identité, le prix, le mode de paiement, la date de l’opération, une photo de
l’œuvre et ses données d’identification.
Pour les œuvres assujetties, la
maison doit également déterminer les risques spécifiques à l’acheteur ou au
vendeur concerné. L’AR vise une série de critère à utiliser pour faire cette
évaluation, par exemple le fait que la personne exerce des fonctions
publiques... Cocasse, vous avez dit ?
En particulier, il est important
que la maison de vente « googlise » le nom des personnes concernées,
et garde une trace de cette recherche afin de démontrer que celle-ci n’est pas
notoirement connue pour des fais de blanchiment. Les commentaires de l’AR
précisent fort heureusement qu’il n'est pas demandé à la maison de vente aux
enchères d'aller au-delà d'une vérification en ligne.
En attendant, en cas de doute
confirmé, la maison de vente à l’obligation de dénoncer l’opération à la CETIF
et de ne pas la finaliser…
Associations professionnelles ?
Source: shutterstock
Il prévoit également la
possibilité, pour une association professionnelle, de mettre à la disposition
de ses membres des procédures et outils leur permettant de remplir une partie
de leurs obligations. Il y a donc là la possibilité de mutualiser la mise en
place des procédures internes afin de (tenter de) faciliter le respect de cette
législation.