mardi 22 août 2023

Les maisons de ventes assujetties à la loi anti-blanchiment

Le marché de l’art est soumis à la même législation anti-blanchiment que les avocats, notaires, comptables. Faisons un point sur les évolutions récentes.

 

Nous évoquions déjà dans une précédente chronique[1] une importante directement relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme. Celle-ci a été transposée en droit belge par la loi du 20 juillet 2020. Il en ressort un assujettissement de tous les acteurs du marché de l’art. Une série d’arrêté royaux (« AR » - entrée en vigueur dès cet été)) viennent d’être publiés, lesquels sont spécifiques à chaque acteur du marché qui nous concerne.

C’est l’occasion de faire le point sur chacun des cas de figure dans nos prochaines chroniques.

Quels acteurs ?

La loi ratisse de manière particulièrement large puisqu’elle vise les personnes physiques ou morales, qui achètent, vendent ou agissent en qualité d'intermédiaires dans le commerce d'œuvres d'art ou de biens meubles de plus de cinquante ans, lorsque le prix de mise en vente d'un ou d'un ensemble de ces œuvres ou biens, est d'un montant égal ou supérieur à 10 000 euros, et inscrits auprès du Service Public Fédéral Economie, PME, Classes moyennes et Energie.

Les intermédiaires visent notamment, parmi les autres acteurs du marché, les maisons de vente aux enchères[2].

Il en découle un assujettissement particulièrement large de la plupart des acteurs du marché, à condition que la valeur de l’œuvre d’art ou l’antiquité concernée par l’opération dépasse le seuil financier, alors que cette législation s’avère particulièrement difficile, voire impossible à respecter dans toute sa rigueur, en faisant supporter aux acteurs de l’économie des vérifications qui étaient par le passé faites par l’autorité étatique.

Quelle particularité pour une maison de vente ?

En tant qu’assujetti, les maisons de vente doivent mettre en place une procédure interne qui vise à s’assurer que l’ensemble des collaborateurs de la maison de vente sont formés et ont conscience qu’une veille permanente doit être faite par chacun.

L’AR précise de manière technique les points de vigilance que la maison de vente doit respecter pour agir en conformité avec la législation.

Illustrations

La maison de vente à l’obligation d’identifier tant l’acheteur que le vendeur d’une œuvre d’art. Si l’œuvre n’était pas évaluée à plus de 10.000 EUR mais que l’adjudication dépasse finalement ce seuil, la maison doit alors rétroactivement mettre en œuvre sa procédure interne, dont notamment l’obligation d’identification. Les données doivent être conservées par la maison de vente ce qui vise : les preuves d’identité, le prix, le mode de paiement, la date de l’opération, une photo de l’œuvre et ses données d’identification.

Pour les œuvres assujetties, la maison doit également déterminer les risques spécifiques à l’acheteur ou au vendeur concerné. L’AR vise une série de critère à utiliser pour faire cette évaluation, par exemple le fait que la personne exerce des fonctions publiques... Cocasse, vous avez dit ?

En particulier, il est important que la maison de vente « googlise » le nom des personnes concernées, et garde une trace de cette recherche afin de démontrer que celle-ci n’est pas notoirement connue pour des fais de blanchiment. Les commentaires de l’AR précisent fort heureusement qu’il n'est pas demandé à la maison de vente aux enchères d'aller au-delà d'une vérification en ligne.

En attendant, en cas de doute confirmé, la maison de vente à l’obligation de dénoncer l’opération à la CETIF et de ne pas la finaliser…

Source: shutterstock
Associations professionnelles ?

Il prévoit également la possibilité, pour une association professionnelle, de mettre à la disposition de ses membres des procédures et outils leur permettant de remplir une partie de leurs obligations. Il y a donc là la possibilité de mutualiser la mise en place des procédures internes afin de (tenter de) faciliter le respect de cette législation.

En tous les cas, et à défaut, notre conseil sera également notre conclusion : 
les maisons de vente doivent à tout le moins veiller à conserver une trace de leurs analyses… A défaut, elles seraient par définition dans l’impossibilité de prouver qu’elles ont eu la diligence/vigilance requise par cette nouvelle législation.


[1] Le Mad du 6 octobre 2021.

[2] Article 5, 31/1 et 31/2 de la loi.