Les raisons et les circonstances qui amènent une œuvre d’art à être détruite sont diverses.
Il peut s’agir d’une destruction involontaire : imaginons un problème durant le transport de l’œuvre (accident de circulation, erreur de chargement,…) ; une maladresse lors d’une rétrospective et l’œuvre se décroche de sa cimaise ; ou encore une exposition inadéquate qui détériore anormalement l’œuvre (par exemple l’exposition d’une photographie au soleil direct de manière répétée)…
Dans ce type de situation, deux éléments doivent être examinés.
Le premier porte sur l’auteur de la dégradation. S'il s'agit du propriétaire lui-même, il ne pourra s’en prendre qu’à lui-même. Il assumera les conséquences de ses actes. A l’inverse, si un tiers lui a causé le dommage, le propriétaire pourrait demander des dommages et intérêts pour compenser sa perte ou encore procéder à la rénovation du bien au frais de la personne fautive. En réalité, il ne s’agit là que d’une application de l’article 1382 du Code civil qui oblige la personne qui cause un dommage à autrui à le réparer.
Le second élément à prendre en compte est – évidemment – l’éventuelle police d’assurance applicable à la situation. Les polices potentiellement applicables sont variées : l’assurance incendie, une assurance de l’œuvre sur base d’une valeur convenue avec la compagnie, ou même une assurance dite « clou à clou » qui voit l’œuvre couverte entre le moment où elle est décrochée de son mur jusqu’au jour où elle y sera raccrochée (idéal en cas de prêt d’œuvre d’art lors d’une rétrospective).
Si la destruction de l’œuvre a été volontaire, il pourrait même être envisagé le dépôt d’une plainte à l’encontre du malfaiteur.
Evidemment chacun de ces éléments doivent être examinés au cas par cas.
Il arrive aussi que le propriétaire lui-même décide de détruire volontairement l’œuvre qu’il possède. Ce cas de figure se présente parfois lorsqu’une fresque a été peinte sur un immeuble et que le bâtiment en lui-même est détruit (réaménagement d’un quartier, ou plus sobrement l’immeuble laissé à l’abandon…). Par exemple en Belgique, la jurisprudence a dû aborder le cas d’une création peinte sur le mur d’une piscine communale et dont le taux d’humidité imposait une restauration sérieuse (et couteuse) des murs de la piscine. Dans ce cas, les questions de droit se posent principalement entre le propriétaire et l’auteur de l’œuvre, les droits de l’un entrant en conflit avec ceux de l’autre.
D’un côté, le propriétaire a le droit de détruire les choses dont il est seul et unique propriétaire. Il s’agit là de la manifestation la plus absolue du droit de propriété. D’un autre côté, l’artiste qui a créé l’œuvre bénéficie de droits d’auteur sur celle-ci et peut sur cette base s’opposer à une destruction ou une adaptation de sa création.
Que faire pour solutionner cette situation antagoniste ? Comment départager l’un et l’autre ? Hélas, il n’y a pas de tendance claire. Le juge met en balance les intérêts du propriétaire et ceux de l’auteur avant de trancher le conflit. Dans le cas de la piscine communale, le juge a décidé que le coût de la restauration était trop important et a autorisé la destruction de la fresque (recouverte par une peinture adaptée à l’humidité des lieux). Dans d’autres cas, il a été décidé que le propriétaire n’aurait pas dû détruire l’œuvre (ou en tout cas pas sans l’accord de l’auteur). Le juge peut tenir compte de nombreux éléments : intérêts économiques, commerciaux, importance de l’œuvre, coût de rénovation, capacité des personnes, obligation d’entretenir qui repose sur le propriétaire, etc…
Dans ce type de situations, nous constatons que les éléments factuels ont autant d’importance, si pas plus, que les droits revendiqués.
Alexandre PINTIAUX
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