Une directive TVA doit être transposée par les États membres de l’UE au plus tard le 31 décembre 2024. Celle-ci prévoit des modifications impactant marché de l’art.
Cette directive prévoit notamment la suppression partielle du régime particulier de la marge bénéficiaire auquel le secteur du marché de l’art belge est soumis depuis des années. Selon ce régime, la TVA est calculée sur la marge bénéficiaire du vendeur, et non la totalité de la transaction. En d’autres termes, les marchands d’œuvres d’art doivent payer la TVA à un taux de 21% uniquement sur le bénéfice qu’ils réalisent lors de la vente, et pas sur la totalité du prix payé par l’acheteur de l’œuvre.
Dans la transposition de la directive, une marge de manœuvre est cependant laissée aux États membres, qui peuvent choisir d’appliquer un taux d’imposition réduit sur le prix global à la place du taux de 21% sur la marge bénéficiaire qui était précédemment prévu.
D’autres états sont déjà loin dans le processus de transposition de cette législation dans leur ordre national. En Belgique, avant les élections, l’avant-projet de loi avait passé l’étape du Conseil des ministres et est maintenant soumis au Conseil d’État pour avis. Il devra encore être approuvé par le Parlement, avant de finalement pouvoir entrer en vigueur en janvier 2025. Notre processus législatif est donc loin d’être achevé, ce qui implique de conserver des réserves quant aux informations qui suivent, lesquelles sont encore susceptibles d’évoluer.
En l’état actuel des choses, la Belgique envisage d’imposer au marché de l’art primaire le taux de 21%, non plus sur la marge bénéficiaire, mais sur la totalité du prix de vente de l’œuvre d’art, alors que des pays concurrents ont d’ores et déjà opté pour un taux réduit de TVA applicable à toutes les transactions sur le marché des œuvres d’art. La distorsion entre les deux hypothèse est flagrante et en défaveur de la Belgique.
Champ d’application et conditions
Les modifications apportées par la directive ne s’appliquent toutefois qu’aux transactions dans lesquelles la TVA peut être récupérée par le vendeur, c’est-à-dire l’achat d’une œuvre directement auprès de l’artiste ou l’importation d’une œuvre d’un artiste non-européen.
En revanche, les opérations du second marché ne sont pas visées par cette réforme. Ce nouveau régime ne concernerait ainsi pas l’hypothèse où l’œuvre provient d’une personne qui n’est pas assujettie à la TVA. Tel est par exemple le cas lorsqu’un marchand d’art rachète une œuvre d’art à un particulier ou lorsqu’une maison de vente propose à l’encan une œuvre d’un client particulier. Dans ces cas, l’assujetti pourra toujours appliquer le régime de la TVA sur la marge à un taux de 21%, comme auparavant.
Risques du nouveau régime
La potentielle entrée en vigueur de ce nouveau régime aurait essentiellement des conséquences négatives pour le marché de l’art belge primaire, et donc surtout l’art contemporain. Il pourrait avoir pour effet de faire fuir les acheteurs et de faire baisser la compétitivité de la Belgique sur une question strictement fiscale. En cas de concrétisation du projet, les collectionneurs auraient fiscalement intérêt à acheter l’œuvres convoitée d’un artiste déterminé à l’étranger plutôt que sur le sol belge. Le problème se répercuterait également sur les importations d’œuvres d’art depuis l’étranger sur notre territoire.
Certains grands acteurs du marché, tels que la ROCAD (Royal Chamber of Art Dealers), ont déjà exprimé leur mécontentement face à cette réforme et tentent de mettre la pression sur les politiques impliqués dans la transposition de la directive. La ROCAD a ainsi mis en place une pétition allant dans ce sens et ayant déjà récolté plus de 7000 signatures !
Attendons donc l’épilogue de cette saga alors que les dernières étapes de la procédure législative se profile avec le changement de gouvernement. Nous espérons qu’un taux réduit sur le montant total de la transaction sera retenu in fine, comme cela a été le cas ailleurs chez des voisins. L’herbe y sera-t-elle plus verte ? Espérons que non !
Alexandre Pintiaux
Thomas Nagiel
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