Plus que dans tout autre secteur,
l’achat d’une œuvre d’art n’autorise pas le propriétaire à faire ce qu’il veut
avec l’objet de son achat. Ceci découle des protections dont bénéficient les
créateurs, communément visées sous le terme « droits d’auteur ».
Explication.
La vente d’une œuvre d’art
implique de composer avec les droits de l’acheteur d’une part[1], et les droits de l’auteur
d’autre part. Si l’acheteur devient propriétaire d’une œuvre, il n’est
pas pour autant titulaire des droits d’auteur qui sont totalement indépendants
de la possession physique de l’œuvre.
Pour rappel, les droits de
l’auteur sont variés. Par exemple, ils portent sur le droit d’exploiter
la création ou encore sur le droit au respect de la création en tant
qu’œuvre d’art. En règle, les droits d’auteur ne sont pas cédés à l’acheteur de
l’œuvre. Il s’agit d’éléments rigoureusement distincts de la propriété de
l’œuvre. On se retrouve alors dans une situation paradoxale où l’acheteur
détient physiquement une création qu’il a dument acquise (et payée) alors que
l’artiste bénéficie simultanément de droits d’auteur sur la même création, et qu’il
exerce de manière tout autant légitime.
Quelques exemples illustrent ce
propos.
Le propriétaire ne pourrait pas
exploiter les reproductions de l’œuvre qu’il détient. Il s’agit d’une
prérogative réservée à l’artiste (par exemple : imprimer des cartes postales
la représentant et les vendre). Si une autre personne que l’artiste (ici, l’acheteur,
mais de manière générale tout tiers) souhaite exploiter l’image de l’œuvre, elle
devra conclure spécifiquement une convention avec l’artiste dans ce but. A
défaut, l’artiste conserve ses droits !
Conséquence de ce qui précède,
l’artiste peut réclamer l’accès à l’œuvre vendue dans une mesure raisonnable. Il
est donc tout à fait concevable qu’un collectionneur soit un jour contacté par
un artiste demandant d’accéder à sa création. Un tel accès doit – précisément –
lui permettre d’exercer ses droits patrimoniaux. Par exemple, il peut à cette
occasion réaliser une photographie ou filmer l’œuvre.
Notons enfin que l’auteur
conserve le droit de s'opposer à toute déformation, mutilation ou autre
modification qu’un tiers voudrait apporter à son œuvre, ainsi qu’à toute autre
atteinte à celle-ci, qui serait préjudiciable à son honneur ou à sa réputation.
Il est par exemple inimaginable de laisser le propriétaire disloquer un
triptyque et vendre séparément les différentes composantes. Il doit respecter
l’œuvre en tant que telle et ne peut la modifier d’une quelconque façon sans
l’accord de l’auteur.
Exception au principe : si
la règle veut que l’acheteur ne bénéficie d’aucun droit d’auteur en achetant
une œuvre, ce dernier acquière tout de même le droit de l’exposer, et ce même
s’il s’agit d’un des droits de l’auteur. En revanche, la manière de l’exposer
ne peut porter atteinte à l’honneur ou à la réputation de l’artiste. Imaginons
que l’œuvre soit exposée lors d’un rassemblement politique auquel l’artiste n’adhère
particulièrement pas, par exemple un parti extrémiste contraire aux idéaux de
l’artiste : il pourrait alors valablement s’opposer à cette
exposition !
Le propriétaire d’une œuvre d’art qui nous lit constate qu’une série
d’obligations pèsent sur lui. Nous verrons dans notre prochain article qu’il est
également tenu au respect de l’œuvre lors de la rénovation de celle-ci. A
découvrir le 20 novembre dans le MAD !