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vendredi 23 décembre 2022

Kaléïs Avocats & Médiateurs vous souhaite d'excellentes fêtes !
Kaléïs Advocaten & Bemiddelaars wenst u prettige feesten!
Kaléïs Attorneys & Mediators wishes you happy holidays!



 

vendredi 16 décembre 2022

Les Contrats de droit d’auteur : favorable aux artistes ? (partie 1/2)

 Avec Ashkan SERENO


La transposition en droit belge de la dernière directive en droit d’auteur est l’occasion de faire le point sur la question des contrats.

C’est par la loi du 19 juin 2022 que la directive  a été transposée au sein de la législation belge, laquelle a été publiée au mois d’août dernier. Parmi une multitude de règles figurent de nouvelles obligations en matière de contrat d’exploitation de droits d’auteur. Nous rappelons les principes de base en la matière dans les lignes qui suivent avant d’entrer dans les détails de la réforme dans notre prochaine chronique.

Protection des auteurs

La législation en matière de droits d’auteur intéresse les artistes plasticiens bien évidemment, mais plus globalement tous les auteurs actifs au sein du secteur culturel (musique, littérature, audiovisuel, arts de la scène, …), sans oublier les industries culturelles et créatives.

Historiquement, le législateur est parti du postulat que l’auteur – quelle que soit sa forme d’expression artistique – est la partie faible lorsqu’un contrat relatif à ses droits est négocié. A l’exception des grosses pointures qui ont acquis un pouvoir de négociation plus important du fait de leur succès, le fait de signer avec un label, un producteur, un éditeur, etc. implique souvent d’adhérer au contrat sans réellement pouvoir solliciter des adaptations.

Dès lors, tout comme dans la législation relative à la protection du consommateur, le législateur s’est attelé à contrebalancer cette réalité par une série d’obligations qui doivent apparaître dans la convention, et visant à encadrer le contrat (lequel est obligatoire) en vue d’informer l’auteur. 

Contrairement à la pratique malheureuse du secteur, ce type de contrat ne devrait donc jamais laisser la place à l’improvisation et au bricolage. La première règle à garder à l’esprit porte sur l’interprétation des contrats. Si le contrat est clair : pas de problème. En revanche, si un article implique plusieurs sens potentiels, le code impose d’interpréter toujours la clause en question de la manière la plus favorable à l’auteur.

C’est ce qu’on appelle un réel garde-fou.

Licence ou cession ?

Souvent les difficultés surgissent dès le titre de la convention. Il est souvent utilisé de manière indifférente le terme « licence » ou « cession », qui sont les deux seuls termes que nous retenons car ils sont simples à appréhender (contrairement au terme « concession » moins précis selon nous).

Une licence implique que le contrat d’exploitation des droits d’auteur sera limité dans le temps. Cela doit apparaître dans la clause relative à la durée du contrat qui le limitera en conséquence : 1 jour, 1 mois, 5 ans, 20 ans… Tout est possible.

La cession de droit implique un transfert définitif du droit d’auteur. La clause relative à la durée précisera donc que les droits sont octroyés pour toute la durée légale (toute la vie de l’auteur + 70 ans). Au-delà, les droits tomberont dans le domaine public.

Licence et cession peuvent en outre être exclusives ou non. Nous pouvons valablement imaginer qu’une convention implique une cession (pour toute la durée légale du droit d’auteur) non exclusive ce qui autorise l’auteur à les céder… plusieurs fois ! C’est ce que l’on rencontre régulièrement en matière de photographie illustrative.

Mentions obligatoires

Enfin, le contrat implique la présence de 4 mentions obligatoires pour être valable à l’égard de l’auteur. Une de ces mentions est la durée, déjà évoquée. La deuxième mention porte sur le territoire couvert par la convention, pouvant varier du territoire le plus restreint à l’univers entier.

Les droits cédés doivent ensuite être expressément énumérés et explicités. Ceci doit permettre à l’auteur de mesurer l’ampleur des droits concédés.

Enfin, l’auteur doit identifier avec précision la contrepartie financière liée aux droits visés. Si c’est gratuit, cela doit donc être expressément précisé.

Les nouvelles règles publiées au mois d’août dernier ajoutent quelques éléments à cette réalité. Nous les parcourrons dans notre prochaine chronique.




mercredi 14 décembre 2022

Spoliation d’œuvre d’art : quel est le cadre actuel ?

Quel cadre juridique est applicable en Belgique lorsqu’une œuvre a été spoliée durant la seconde guerre mondiale. Le point sur la question.
 
Le terme spoliation fait référence aux œuvres détournée par le régime nazi auprès des groupes ciblés, en particulier la communauté juive d’Europe.

En février 2022, le musée des Beaux-Arts a, pour la première fois, restitué à ses propriétaires légitimes un tableau spolié. La famille Mayer a ainsi obtenu, plus de 80 ans après les faits, la restitution de ce qui leur avait été enlevé.[1] Il s’agissait d’une nature morte, Les Fleurs, réalisée par le peintre Lovis Corinth en 1913. Les propriétaires originels, Gustav et Emma Mayer, étaient un couple juif qui ont vu leurs effets personnels et leur collection d’art confisqués par les forces d’occupation allemande lorsqu’ils ont séjourné en Belgique après avoir fui l’Allemagne nazie en 1938[2].

Toutefois, Les Fleurs de Corinth n’est qu’un tableau parmi tant d’autres objets d’art pillés pendant la guerre. En effet, « en quelques années seulement, des centaines de milliers de peintures, de sculptures, de livres et de meubles anciens ont été transportés en Allemagne ou en Autriche » [3]. 

En 1998, lors de la Conférence de Washington, la communauté internationale s’était réunie afin d’établir les lignes directrices dans le but d’encourager les États concernés à prendre des mesures pour faciliter la restitution des œuvres spoliées : 11 principes non-contraignants ont été publiés.

A la suite, en décembre 2001, la Belgique a adopté une loi relative au dédommagement des membres de la Communauté juive de Belgique pour les biens dont ils ont été spoliés ou qu'ils ont dû abandonner pendant la guerre 1940-1945. Cette loi a établi une Commission, qui était chargée d’examiner les demandes de dédommagement des victimes ou de leurs ayant-droits, a analysé 5640 dossiers pour un dédommagement global de 35,2 millions d’euros. Depuis 2008, fin de la période d’activité de la Commission, c’est la chancellerie du Premier Ministre qui reçoit les demandes relatives au dédommagement.

En 2009, dans le prolongement de la Conférence de Washington, 46 pays dont la Belgique ont adopté la Déclaration de Terezin[4]. Cette déclaration fait suite à la constatation suivant laquelle très peu de biens spoliés en Europe avaient été restitués ou fait l’objet de compensation. Il s’agit d’un appel aux États à trouver des solutions adéquates pour réparer le dommage causé aux victimes de spoliation du régime hitlérien.

Depuis, si les demandes de restitution venant de familles concernées sont relativement rares en Belgique, cela ne signifie pas pour autant l’absence d’œuvres spoliées sur notre sol.
En parallèle de la restitution du tableau des Mayers, le Musée des Beaux-Arts a ouvert en février 2022 deux salles d’exposition à l’occasion de la campagne « Museum in Questions », lancée à l’automne 2021. La première salle porte sur la question des spoliations sous le régime nazi, et la seconde est dédiée à l’héritage colonial de la Belgique – sujet d’actualité faut-il le préciser.

Ces évolutions nous amènent à considérer la différence entre le droit d’un côté, lequel est gouverné par les principes du code civil et en particulier les questions de prescriptions, avec l’engagement moral des états pour réparer les blessures de l’histoire de l’autre, le second influençant le premier. A ce titre, la restitution du tableau de Corinth nous apparait symboliquement forte et méritait d’être mise en évidence dans notre société.

La problématique des œuvres spoliées par les nazis reste un sujet d'actualité!


[1] Daniel Couvreur, « Des Fleurs symboliques de la fin des spoliations », Le Soir, 11 février 2022, p.19.

[2] Archives de l’Etat, « Spoliation d'œuvres d'art et archives », 8 mars 2022, https://www.arch.be/index.php?l=fr&m=actualites&r=toutes-les-actualites&a=2022-03-08-spoliation-d-oeuvres-d-art-et-archives – consulté le 24 juin 2022. 

[3] Idem. 

[4] Déclaration de Terezín sur les avoirs liés à l'époque de la Shoah et les questions connexes, 30 Jun 2009.


lundi 17 octobre 2022

La réforme du statut de l’artiste - premières étapes

Sujet sensible s’il en est, le statut d’artiste est sur le point d’être réformé. Le point sur le sujet.


Déjà réformé en 2013, ce statut est à nouveau sujet à discussion. Le sujet reste sensible lorsqu’il est analysé dans les détails. Quelles seront les grandes lignes de ce nouveau statut pour les artistes qui cristallise tant d’avis opposés ?

Pour rappel, en mai 2022, un projet de loi portant sur une réforme du statut de l’artiste a été publié et ensuite amendé durant le mois de juillet. Le processus législatif va se poursuivre dans les semaines à venir alors que plusieurs fédérations continuent à s’y opposer (Le Soir du 2 août 2022).

Quels sont les changements prévus par rapport à la situation actuelle ? 

Situation actuelle

Face à l’emploi, un artiste n’est pas traité différemment des autres travailleurs en Belgique. L’artiste doit s’inscrire dans l’un des trois statuts de travailleurs prévus par le législateur : celui de fonctionnaire, celui d’indépendant, ou celui de salarié.

Le « statut d’artiste » actuel n’en est pas réellement un. Il s’agit plutôt d’une distinction qui est faite au sein des travailleurs salariés. La particularité de ce statut réside dans le fait qu’il prévoit, pour l’artiste qui relève du statut de salarié et moyennant le respect de conditions, une dérogation à certaines règles applicable en matière d’allocation de chômage, le but étant d’éviter la dégressivité des allocations, et donc de bénéficier d’allocations stables dans le temps. 

A ce jour, un artiste sous « statut » est donc un artiste qui perçoit des allocations de chômage et qui évite la dégressivité de ses allocations du fait de son activité artistique.

La réforme

C’est une procédure complètement différente qui sera adoptée s’éloignant du régime de perception d’allocation de chômage, tout en gardant la volonté de stabiliser un revenu alternatif. On parlera alors de la perception de l’indemnité du travail des arts.

L’octroi de cette indemnité se fera en deux étapes cumulatives.

Obtenir l’attestation du travailleur des arts « plus »

Cette attestation vise à valider le fait que l’artiste demandeur exerce bien une activité artistique, et ce avec une certaine ampleur. Une Commission des Arts se chargera d’analyser les demandes individuelles et d’octroyer les attestations utiles. 

L’attestation du travail des arts « plus », d’une validité de 5 ans et renouvelable, pourra être octroyée aux artistes qui démontreront un revenu minimum brut. Cela pourra se faire soit de manière automatique, si les travailleurs des arts parviennent à démontrer un revenu supérieur à 65.400 euros bruts pendant la période de 5 ans précédant la demande, soit sur base d’une analyse au cas par cas du dossier par la Commission. Il faudra alors pouvoir justifier de 13.546 euros bruts pendant la période de 5 ans précédant la demande (ou 5.418 euros bruts pendant la période de 2 ans précédant la demande). 

Pour le renouvellement de l’attestation, il faudra prouver 4.515 euros bruts obtenus pendant la période de 5 ans précédant la demande (ou 2.709 euros bruts pendant la période de 3 ans précédant la demande).

Une alternative sera l’attestation du travail des arts « débutant », qui, elle, est valable 3 ans. Elle ne pourra être délivrée qu’une seule fois, et ce, « au débutant qui a obtenu un diplôme de l’enseignement artistique supérieur de plein exercice ou dispose d’une formation ou d’une expérience professionnelle équivalente dans un secteur des arts mentionné dans l’arrêté. » . L’artiste débutant concerné devra être « soit en possession d’un plan de carrière ou d’entreprise, soit en train de suivre une formation qui l’accompagne pour développer un tel plan ». De plus, Il doit pouvoir prouver qu’il a soit effectué au moins 5 prestations artistiques, soit obtenu un revenu brut de 300 euros. 

L’allocation du travailleur des arts

L’artiste qui détient l’attestation « plus » ne devra plus passer par les conditions générales relative à la perception d’allocation de chômage, mais bien via un nouveau régime spécifique aux artistes. Nous parlerons alors de l’allocation des travailleurs des arts.

Une fois l’attestation obtenue, encore faut-il avoir droit à l’allocation sur base des prestations artistiques effectuées avant la demande. Le critère actuellement retenu invite l’artiste à prouver 156 jours de travail salarié sur les 24 mois précédant sa demande.

Une fois ces conditions remplies, l’allocation du travail des arts sera accordée pour 3 ans (36 mois).


ATTENTION: 

La transposition de la réforme a été partielle ce 1er octobre 2022. Ceci signifie qu'il n'est pas encore nécessaire de demander les attestations. En revanche, vous pouvez revendiquer dès à présent l'allocation du travailleur des arts.


vendredi 15 juillet 2022

Imposition des revenus de droits d'auteur: plafonds 2023

 Les plafonds relatifs à l’imposition des revenus de droits d'auteur sont les suivants :


Les revenus de 2022 (exercice d’imposition 2023) sont soumis aux plafonds suivants :

Revenus mobiliers jusqu’à 64 070,00 EUR / an.

50 % frais forfaitaire pour la tranche de droits d'auteur de 1 à 17 090,00 EUR

25% frais forfaire pour la tranche de 17 090,00 EUR à 34 170,00 EUR





jeudi 14 juillet 2022

Quelle est l’utilité des NFT sur le marché de l’art ( le secteur culturel)? Partie 3/3

Nous finalisons notre analyse de ce phénomène en abordant les réelles utilités des NFT. Troisième et dernière partie.


Dans nos précédentes contributions (avril et mai), nous exposions ce que sont concrètement ces jetons non fongibles. Nous y précisions qu’ils ne constituaient pas des œuvres d’art au sens strict, mais plutôt une sorte de contrat numérique infalsifiable, lequel est lié à une image numérique que le générateur du NFT y attache. Par générateur, nous visions ici la personne derrière son ordinateur qui génère numériquement le NFT dans la blockchain. Nous y évoquions également le cadre juridique autour de cette nouvelle technologie liée intrinsèquement aux crypto-monnaies.

Actuellement, de nombreux NFT sont vendus alors que le créateur de ce jeton n’est pas titulaire des droits intellectuels de l’image de l’œuvre qui y est attachée. Si c’est techniquement facile de le mettre en œuvre – en quelques clics avec une connexion internet – une telle pratique porte atteinte aux droits intellectuels du créateur de l’image liée au NFT. Voyez nos dernières contributions à ce sujet.

Quelle est la vraie utilité du NFT ?

Selon nous, un NFT n’a de l’intérêt que s’il est généré par le titulaire des droits intellectuels liés à l’œuvre concernée ou à la marque qui y est exploitée. Dans ce cas, la technologie offre un champ des possibles infinis, bien loin des considérations mercantilles de ceux qui pensent – erronément – « acquérir une œuvre d’art » en achetant ce type de jeton numérique.

Nous allons illustrer notre propos de trois manières.

Le NFT en tant que support d’un certificat d’authenticité 

L’artiste qui crée l’œuvre d’art émet souvent un certificat d’authenticité papier qui est joint à l’œuvre. Si l’artiste décide de ne plus émettre de certificat physique mais d’utiliser la technologie des NFT pour émettre un certificat numérique, il crée un jeton numérique infalsifiable stocké dans la blockchain, alors que les versions papiers peuvent faire l’objet de falsification.

Une telle application est tout à fait plausible et constituera une manière pour l’artiste de limiter le risque de contrefaçon de ses créations. Nous pensons qu’il s’agit là de l’avenir des NFT sur le marché de l’art.

Le NFT en tant que support d’une marque

Le créateur du NFT peut également être le titulaire d’un droit de marque.

Nous voyons de nombreuses marques de luxe proposer l’achat de NFT en lien avec les produits qu’elles diffusent. Dans ce cas, elles-y attachent une image (parfois unique et spécifique).

Dans un tel cas de figure, le titulaire de la marque utilise la technologie dont il est question pour mettre en évidence ses produits et en poursuivre le marketing. Le fait que les NFT sont uniques rend la matière attirante pour ceux qui se laissent charmer par ce genre d’argument, mais cela ne représente – toujours selon nous – aucun intérêt pour les acteurs du marché de l’art.

Le NFT en tant que support technique pour l’organisation d’évènements culturels

Dans la mesure où le NFT est un contrat numérique, rien n’empêche par exemple un organisateur de concert d’émettre les tickets du concert d’une célèbre rock star sous cette forme. Un tel cas d’application aurait pour effet de permettre à l’organisateur de contrôler le marché de la revente des tickets de concert en bénéficiant d’un droit de suite qu’il est possible de lier au NFT. Par ce droit de suite, l’organisateur bénéficierait d’une partie de la plus-value matérialisée lors de revente du ticket-NFT. Dans ce cas, l’organisateur, et par répercussion les artistes, augmenteraient leurs revenus en mettant un pied sur le marché secondaire de revente de tickets dans l’événementiel. 

Là aussi, nous sommes d’avis qu’il s’agit d’un réel avenir pour une telle technologie.


Plus éloignée du marché de l’art, nous sommes donc convaincus que la technologie n’est qu’à l’aube d’une révolution pour limiter le risque de contrefaçon pour les artistes plasticiens, mais aussi dans le secteur culturel et évènementiel. Pensez aux organisateurs de concerts, théâtres, soirées, et évènements sportifs qui pourraient trouver un outil de contrôle là où, aujourd’hui, ils subissent le comportement de revendeurs spéculateurs.

Source: Shutterstock
Source: Shutterstock



lundi 4 juillet 2022

Quelle est l’utilité des NFT sur le marché de l’art ? Partie 2/3

Dans notre contribution du mois dernier, nous exposions que ces jetons non fongibles ne constituaient pas des œuvres d’art au sens strict, mais plutôt une sorte de contrat numérique infalsifiable, lequel est lié – on pourrait dire « soudé » - à une image numérique. Cette image peut être une reproduction d’une œuvre d’art, mais aussi tout et n’importe quoi qui puisse être transposé dans un fichier numérique. Cela peut donc être la plus médiocre des images, mais aussi un fichier MP3 pour une musique, une vidéo,… Les applications possibles sont infinies.

Quel est le cadre légal ?

La réponse est simple : il n’existe pas de cadre légal spécifique aux NFT. 

Est-ce-à-dire que la commercialisation des NFT se fait dans une zone de non-droit ? Ce n’est pas non plus notre avis. Encore une fois, il faut avoir conscience de ce qui est derrière cet acronyme pour comprendre les questions de droits qui y sont liées.

Achat d’un NFT

L’acquisition d’un NFT signifie acquérir la propriété d’un fichier numérique unique. Et rien d’autre.

Certes, ce fichier est lié à une image (pour les NFT qui intéressent le marché de l’art) mais cela ne signifie pas que le propriétaire du NFT devient propriétaire de cette image. Et c’est sur ce point que le malentendu porte actuellement ! Il est juridiquement incorrect de dire qu’un NFT constitue un achat d’une œuvre dématérialisée. Il constitue un achat du document qui est lié à l’œuvre. Voyez notre dernière contribution à ce sujet. 

A ce titre, rappelons les conditions pour être protégé par le droit d’auteur : il faut qu’une œuvre soit originale (c’est-à-dire qu’elle reflète la personnalité de son auteur) et mise en forme (à savoir être perceptible par les sens). Un NFT ne remplira – selon nous – jamais la condition d’originalité puisque ce jeton n’est rien d’autre qu’une écriture cryptographique, et donc strictement technique.

Le fait que ce jeton soit lié à une image qui – elle – est peut-être originale au sens du droit d’auteur ne permet pas de transférer cette originalité au jeton numérique qui y est lié. En d’autres mots, ce n’est pas parce que le design d’une création est original que le certificat d’authenticité qui y est lié est lui-même original. Cela doit être examiné individuellement.

NFT et droits intellectuels

Actuellement, de nombreux NFT sont vendus alors que le créateur de ce jeton n’est pas titulaire des droits intellectuels de l’image de l’œuvre qui y est attachée. Techniquement, n’importe qui a la possibilité de créer un NFT – en quelques clics sur un ordinateur avec une connexion internet - sans pour autant avoir le droit d’exploiter l’œuvre concernée. 

C’est là le second problème en la matière.

Selon nous, un NFT n’a de l’intérêt que s’il est créé par le titulaire des droits intellectuels lié à l’œuvre concernée. Il peut s’agir de l’artiste lui-même qui transposerait dans un fichier numérique une de ses dernières créations plastiques. Il peut aussi s’agir du titulaire d’une marque qui décide d’associer un NFT à un de ses produits commercialisés sous sa marque.

Dans ces deux cas de figure, l’acheteur du NFT acquière un contrat numérique créé par l’artiste et attaché à une reproduction numérique de l’œuvre, elle-même supervisée par l’artiste. La boucle est bouclée. Il peut être acquis valablement.

Dans tous les autres cas, l’acheteur ne ferait qu’acquérir un fichier numérique unique qu’un tiers a attaché à une œuvre d’un artiste tiers, ce qui – au demeurant – constituera souvent une atteinte aux droits intellectuels de l’artiste ou du titulaire de la marque. Ce cas de figure est – toujours selon nous – totalement illégal et pourrait amener à la mise en cause de la responsabilité du créateur du NFT litigieux, voire de la plateforme hébergeant ledit jeton. Du point de vue du collectionneur, il n’y a aucun intérêt à investir dans ces jetons-là.


Nous reviendrons dans notre prochaine chronique sur les applications potentielles qui peuvent être faites de cet outil. A suivre.


mardi 28 juin 2022

Nouvelle charge de cours à l'ULB

 Je suis très heureux d'annoncer que l'Université Libre de Bruxelles me fait confiance pour la seconde fois en me confiant une nouvelle charge du Master en Art du spectacle au sein duquel j'aurai le plaisir de participer à l'enseignement du cours ARTCB550 Circuits économiques et problèmes juridiques des arts du spectacle.

A suivre à partir de février 2023.

Cet enseignement s'ajoute à mon cours de droit appliqué au champ culturel que j'enseigne déjà depuis 2017 dans le Master en gestion culturelle.

Alexandre Pintiaux




jeudi 23 juin 2022

TOUT comprendre sur les NFT (partie 1/3)

Le marché n’a plus que cet acronyme à la bouche pour le moment : NFT. De quoi s’agit-il ? 


S’agit de l’arnaque du siècle ou d’un réel outil digital à disposition des artistes ? A voir les prix auxquels s’échangent certaines de ces « œuvres », cela évoque une nouvelle forme de spéculation. Est-ce-à-dire qu’il s’agit d’un mécanisme sans intérêt ? Ce n’est pas notre avis, à condition d’avoir conscience du mode de fonctionnement des NFT, et donc de ce qui est réellement acheté (parfois à prix d’or) !

Nous résumerons les principes de base de la matière avant d’examiner dans nos prochaines chroniques les cas d’application de cette technologie.

NON FONGIBLE TOKEN

Ou en français correct : un jeton non fongible. 

Ceci nous permet d’emblée d’avoir conscience qu’il ne s’agit pas là d’une œuvre d’art. Si cela avait été le cas, le marché parlerait de « non fongible art », ce qui constituerait au demeurant un pléonasme. Une (vrai, donc en 3d) œuvre d’art est non fongible. Elle n’est pas – par essence- interchangeable comme le serait un billet de 5 EUR avec un autre billet de 5 EUR. Une œuvre est unique et est, à ce titre-là, considérée comme rare sur le marché : 

- Les toiles sont uniques, même si l’artiste en a produit plusieurs similaires (songeons à « l’empire des lumière » de Magritte). 

- Les sculptures sont uniques (pierre ou bois) ou des multiples (bronze) alors numérotés en édition limite. 

- Les photographies d’art sont également numérotées. 

A ce titre, tous ces formes de créations sont en principe non-fongibles, car pas interchangeables. En outre, leur unicité permet d’y attacher une rareté.

Un jeton non fongible constitue également un bien – sous forme numérique – unique et donc « rare ». Il n’est pas interchangeable, mais ce n’est pas pour autant qu’il constitue une œuvre d’art. C’est là qu’une incompréhension du grand public demeure sur le marché.

Lorsqu’un collectionneur achète un NFT, il achète un document numérique unique (on parle de Smart Contract – ou de contrat intelligent) qui reprend des données propres spécifiques que l’artiste a déterminé lors de sa création. C’est ce token qui est lié de manière définitive à une image, elle-même choisie par l’artiste. Cette image peut être tout et n’importe quoi, dont la reproduction d’œuvres d’art. 

Le NFT a deux caractéristiques : il n’est pas modifiable mais il ne constitue qu’un document lié à l’image de l’œuvre en elle-même !

Les ingrédients digitaux

Pour que la recette fonctionne, il faut en maitriser les ingrédients. A cet égard, nous devons aborder quelques mots à première vue techniques :

Le premier ingrédient est le NFT lui-même. Ce fameux document numérique.

Ce document numérique unique est inscrit dans une base de sauvegarde appelée une blockchain. C’est le deuxième ingrédient. Il s’agit d’une sorte de registre digital qui recense tous les jetons émis. Ce registre est consultable par tous et permet d’identifier qui est le titulaire du jeton. Autrement dit : qui l’a acheté. 

Le NFT est associé à un lien qui renvoie automatiquement vers l’image à laquelle il est associé.

La recette est finalement simple :

La création d’un NFT implique d’avoir une image (un fichier qui représente l’œuvre), laquelle est attachée de manière définitive à un jeton unique qui est lui-même enregistré sur la blockchain, laquelle permet de le suivre de manière précise sans permettre la moindre modification.

Lorsqu’un collectionneur achète un NFT, il acquière le droit de propriété sur un fichier numérique qui est indiscutablement et de manière permanente lié à l’image à laquelle il est associé.

Le fait que ce fichier est unique et lié à une œuvre permet d’une part de préciser qui est le propriétaire comme le permet un contrat de vente, tout en permettant d’identifier la chaine des propriétaires précédents du Token, mais aussi de confirmer – en théorie – le caractère authentique du document qui lui est attaché. Dans notre hypothèse, il s’agit de l’image de l’œuvre d’art.

Nous reviendrons dans notre prochaine chronique sur le cadre légal des NFT et sur les applications potentielles qui peuvent être faites de cet outil. A suivre.




jeudi 19 mai 2022

L’importation et l’exportation des œuvres d’art (partie 2)

Nous poursuivons notre analyse quant aux questions fiscales et administratives relatives à l’importation et à l’exportation d'œuvres d'art.


L’entrée ou la sortie de certaines œuvres d’art sur le territoire européen implique des formalités administratives et fiscales. Les formalités administratives visent à s’assurer de la légitimé d’entrer ou de sortir du territoire européen pour l’œuvre concernée. Les formalités fiscales, quant à elles, portent sur la perception des droits de douane ou de TVA lorsque c’est applicable.

Les difficultés en la matière découlent du fait que toutes les œuvres ne sont pas soumises aux mêmes obligations au sein même de l’UE, auxquelles s’ajoutent un élément d’extranéité puisque – par hypothèse – l’œuvre concernée provient ou est destinée à un pays tiers qui a sa propre légalisation en la matière. Celle-ci est complexe car elle fait appel à une multitude de règles potentielles, en ce compris au sein même de l’UE.

Nous avons analysé dans un précédent article les conséquences administratives liées à l’entrée ou à la sortie d’une œuvre d’art dans ou en dehors de l’UE. Qu’en est-il du point de vue fiscal ?

Quel cadre contractuel ?

Il est impossible d’envisager tous les cas de figures car la structure fiscale dépendra elle-même de la structure contractuelle entre l’artiste, la galerie et l’acheteur final.

Les conséquences sur la TVA et/ou les taxes à l’importation seront différentes si c’est l’artiste qui facture le prix total au client et la galerie qui lui facture sa commission, ou si c’est la galerie qui facture le prix total à l’acheteur final, et qu’elle rétrocède le prix « atelier » à l’artiste (en d’autres mots : la part qui revient à l’artiste).

Importation au sein de l’UE – aspects fiscaux

Le galeriste doit avoir recours à un carnet ATA ou à une autorisation d’admission temporaire pour faire rentrer l’œuvre de manière conforme à la législation douanière. A ce stade, aucune taxe n’est due.

Une fois que l’œuvre change de régime douanier pour être définitivement mise en circulation sur le marché de l’Union européenne – en d’autres mots – une fois que l’œuvre est vendue, aucune taxe douanière n’est due en raison d’une exemption pour les tableaux. En revanche, une TVA devra éventuellement être appliquée.

Le fait que l’artiste facture directement l’œuvre au client final est souvent complexe à réaliser. Concentrons-nous donc sur le cas où l’œuvre est vendue par la galerie. Dans ce cas, celle-ci fera vraisemblablement application de la TVA sur la marge bénéficiaire, à savoir un taux de 21% calculé non pas sur le prix total, mais sur sa propre marge.

Exportation hors UE – aspects fiscaux

Qu’en est-il dans l’hypothèse où l’œuvre est exportée hors de l’UE ? 

Si l’artiste est hors de l’UE également, une solution de facilité serait de prévoir contractuellement que l’artiste facture le prix total directement à l’acheteur, à charge pour la galerie de facturer sa commission à l’artiste.

Dans le cas où l’artiste est européen avec un acheteur non-européen, il serait envisageable de considérer que la vente serait exonérée de TVA mais cela devra être vérifié au cas par cas.


La difficulté de la matière réside dans la multitude de situations possibles. La réponse ne serait pas forcément identique dans une situation impliquant une galerie belge avec un élément d’extranéité, que ce soit l’artiste et/ou l’acheteur, visant la France, la Suisse, ou encore les Etats-Unis. L’analyse se complexifie encore lorsque 3 ordres juridiques s’entrecroisent avec une galerie belge, un artiste européen ou non, et un acheteur final européen ou non. A cet égard, l’analyse fiscale peut réellement devenir un casse-tête juridique.

Un casse tête pour les nouvelles galeries...


jeudi 12 mai 2022

L’importation et l’exportation des œuvres d’art (partie 1)

Les questions fiscales et administratives relatives à l’importation et à l’exportation constituent un casse-tête pour les jeunes galeries. Rappels en la matière.


L’entrée ou la sortie de certaines œuvres d’art sur le territoire européen implique des formalités administratives et fiscales. Les formalités administratives visent à s’assurer de la légitimé d’entrer ou de sortir du territoire européen pour l’œuvre concernée. Les formalités fiscales, quant à elles, portent sur la perception des droits de douane ou de TVA lorsque c’est applicable.

Les difficultés en la matière découlent du fait que toutes les œuvres ne sont pas soumises aux mêmes obligations au sein même de l’UE, auxquelles s’ajoutent un élément d’extranéité puisque – par hypothèse – l’œuvre concernée provient ou est destinée à un pays tiers qui a sa propre légalisation en la matière. Celle-ci est complexe car elle fait appel à une multitude de règles potentielles, en ce compris au sein même de l’UE.

Une légitimité de voyager ? 

Une œuvre d’art est qualifiée de bien culturel. A ce titre, de nombreux pays considèrent que la sortie hors de leur territoire d’un bien culturel, fusse-t-il entre les mains d’un propriétaire privé, est susceptible d’appauvrir le patrimoine national. Ce type de législation vise donc à garder un œil sur les biens d’importance qui se trouvent sur le territoire.

A cet égard, l’UE a beaucoup travaillé sur le sujet puisque ce type de contrôle a pour effet de s’attaquer à un des piliers de l’Union : la libre circulation des biens. De facto, le contrôle des états membres sur la sortie d’un bien culturel hors de l’UE limite cette sacro-sainte libre circulation. A ce titre, nous rappelons les principes de plusieurs textes importants en la matière.

Importation au sein de l’UE – aspects administratifs

Lorsqu’on pense à l’importation d’œuvres au sein de l’UE, se posent la question de la légitimité pour celles-ci de sortir du pays d’origine. L’actualité a fourni une multitude d’exemples d’œuvres illégalement pillées en Orient, Amérique latine, ou même parfois au sein même des pays européens. Ce cas de figure est réglé par les conventions internationales de l’UNESCO, pour autant que les deux pays concernés y aient pleinement adhéré.

En outre, l’UE a inséré en droit positif le principe que « l’introduction de biens culturels qui ont été sortis du territoire du pays dans lequel ils ont été créés ou découverts en violation des dispositions législatives et réglementaires de ce pays est interdite ». Ceci vise de nombreux objets sans conditions particulières.

Pour certains biens, une licence d’importation est nécessaire. C’est le cas notamment pour les antiquités de plus de 250 ans, ou encore les œuvres d’art de plus de 200 ans et dont la valeur dépasse 18.000 EUR. Cette licence est délivrée par le pays de l’UE au sein duquel le bien est placé pour la première fois.

Exportation hors UE – aspects administratifs

En ce qui concerne la sortie de biens culturels européens en dehors de l’UE, le législateur a prévu la nécessité de présenter une autorisation d’exportation, laquelle s’obtient auprès de l’autorité nationale. En Belgique, ce sont les communautés qui sont compétentes.

Ce texte vise uniquement les œuvres d’une certaine qualité avec toute la subjectivité que les critères comportent, à savoir l’âge et la valeur marchande : une toile doit avoir une valeur déclarée de minimum 150.000 EUR et avoir plus de 50 ans d’âge ou encore une antiquité doit avoir plus de 100 ans quelle qu’en soit la valeur.

La difficulté de la matière réside dans le fait que ces législations se sont cumulées au fur et à mesure des années sans que les conditions d’application ne soient uniformisées. Nous aborderons dans notre prochaine chronique les conséquences fiscales pour les galeries d’une exportation ou d’une importation, ces éléments s’ajoutant aux règles évoquées ci-avant.



mercredi 16 mars 2022

Domaine public, œuvres d’art et archives

Les œuvres appartenant à l’Etat bénéficient potentiellement d’un régime d’inaliénabilité particulier. Analyse de la question.


En droit belge, une distinction est faite entre les biens (ce qui vise aussi les œuvres d’art) appartenant à des particuliers et ceux appartenant à des autorités publiques comme l’Etat, les régions, les administrations etc. … Les biens appartenant à ces dernières se subdivisent en deux sous-catégories : les biens du domaine privé et ceux du domaine public. 

Œuvre publique ou privée ?

En général, une part des biens appartenant à une autorité publique relèvent de la subdivision du domaine privé. Ils ne bénéficient pas d’une protection particulière et sont dès lors traités comme tous les autres biens. Dans ce cas, ils peuvent être librement cédés, vendus, etc. … 

A l’inverse, les biens faisant partie du domaine public ont la particularité de jouir d’un régime dérogatoire au droit commun. Ceci se justifie par leur importance pour la continuité du service public. Ils sont en effet affectés à un service public ou à l’usage de la collectivité. En principe, les biens doivent avoir été placés dans le domaine public par les autorités publiques via une affectation expresse ou tacite. C’est souvent à cette catégorie que les collections d’un musée fédéral, communautaire ou même communal seront rattachées. Dans ce cas, 3 principes sont applicables :

Premièrement, les biens du domaine publics sont insaisissables.

Ensuite, ils sont inaliénables, c’est-à-dire qu’ils sont en dehors du commerce. Des tiers ne peuvent pas acquérir des droits subjectifs sur ces biens comme, par exemple, un droit de propriété. 

Enfin, l’appartenance au domaine public est imprescriptible. Cela veut dire que l’écoulement du temps ne peut pas conférer un droit de propriété légitime sur ces biens à un tiers. 

En pratique…

Les autorités publiques belges ont classé certaines œuvres dans le domaine public en raison de leur importance pour l’intérêt général. Il s’agit notamment des œuvres se trouvant dans les collections muséales d’établissements scientifiques fédéraux comme les Musées royaux d’Art et d’Histoire ou encore les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique ou d’autres musés publics. Pour que ces œuvres sortent du domaine public, une décision de désaffectation expresse ou, exceptionnellement, tacite de l’autorité compétente serait nécessaire. 

En revanche, les œuvres décorant les administrations, dans un bureau par exemple, n’appartiennent en principe pas au domaine public mais plutôt au domaine privé de l’autorité publique. Elles peuvent donc être librement cédées. Ceci s’explique par le fait que ce type de bien n’est pas indispensable à sa mission de service public.

Le cas des archives publiques

Un cas particulier porte sur les archives publiques, lesquelles font partie du domaine public en raison de leur intérêt scientifique et historique évident. Cette dénomination reprend les documents reçus ou produits dans l’exercice de l’activité d’une institution publique et destinés à être conservés par cette institution. La forme, la date ou encore le support de ce document n’a pas d’importance. Les archives publiques ne peuvent avoir que deux destinations légales : leur conservation par les autorités publiques ou leur destruction purement et simplement.

Commercialisation impossible

Toute commercialisation des biens d’utilité publique est nécessairement frauduleuse puisqu’issue d’une infraction, à moins qu’ils n’aient fait l’objet d’une décision de désaffectation, sauf le cas des archives qui ne peuvent être visées par une telle décision. Le simple fait de détenir ces biens, notamment dans une collection, constitue potentiellement une source de problème pour le détenteur du bien, puisqu’il pourrait être visé par une instruction pénale pour vol ou recel. Bien entendu, chaque situation doit être examinée au cas par cas, mais la plus grande prudence est de mise en la matière.





mardi 22 février 2022

Galerie d’art et marge bénéficiaire

Afin de proposer des tarifs attractifs à leurs clients, nombre de galeries d’art font application du régime de la marge bénéficiaire. En quoi consiste-t-il ?


Le régime de la marge bénéficiaire a pour but de permettre à une galerie de calculer la TVA sur la différence entre le prix de vente de l’œuvre à son client final et le prix d’achat de son fournisseur. Dans le cadre d’une vente en galerie, cette TVA est de 21% avec la particularité d’être appliquée à l’intérieur de la marge, c’est-à-dire que si le prix affiché est de 2.000,00 EUR, la TVA est comprise dans ce prix.  

Afin d’appliquer ce régime intéressant, certaines conditions strictes de fond doivent être respectées, à savoir: 

- La nature du bien vendu est importante. La loi liste les objets pouvant être vendus sous régime de la marge bénéficiaire. Les objets d’art, de collection ou d’antiquité font partie de cette liste. Les biens d’occasion font également partie de cette liste, par exemple une voiture. 

- Ensuite, le galeriste doit être un « assujetti-revendeur ». Ce terme signifie que la galerie doit être assujettie à la TVA et acheter ou affecter les objets d’art aux besoins de son entreprise dans le but de les revendre. 

- Enfin, la qualité du fournisseur de la galerie est également importante. En principe, celui-ci ne peut pas avoir déduit la TVA en amont, tel un collectionneur agissant dans un cadre privé. Néanmoins, dans le cadre de la vente d’objets d’art, il existe trois tempéraments. Le système de la marge peut être appliqué si la galerie a importé les objets d’art depuis un pays se trouvant en dehors de l’Union Européenne. Il est également possible d’appliquer le régime de la marge si le fournisseur est l’auteur de l’objet d’art ou ses ayants droit. Pour finir, il est également possible d’appliquer le système de la marge lorsque la vente entre le fournisseur et la galerie a été soumise aux taux TVA réduit (6% en Belgique, comme ce sera le cas avec un artiste).  

Une fois ces conditions de fond réunies, certaines formalités doivent être accomplies. Il faut notamment adresser une demande d’application de ce régime à l’office de contrôle de la TVA. Il y a également toute une série de documents qui doivent être tenus en ordre dont notamment un registre d’achats des biens destinés à être soumis au régime de la marge bénéficiaire. La facture émise au client final devra également reprendre certaines mentions.

Pour appliquer ce régime, il faut enfin respecter une contrainte de taille : la galerie et le client final ne pourront pas déduire la TVA. Ainsi, pour les clients qui souhaiteraient acquérir une œuvre dans le cadre de leurs activités professionnelles, aucune TVA ne pourra être déduite. De son côté, la galerie ne pourra pas déduire la TVA facturée par son fournisseur. Elle pourra, bien entendu, déduire les autres frais qu’elle a exposés dans le cadre de son activité. 

Amis galeristes, si vous souhaitez appliquer ce régime, la prudence est de mise. Même si ce régime semble simple a priori, il est semé de nuances et de formalités. 

L’application de ce mécanisme doit évidemment être transposée dans les conventions entre l’artiste ou le collectionneur et la galerie d’art. En particulier, un exemple de décompte évitera les mauvaises surprises.

La calcul de la TVA sur la marge: un casse tête?
La calcul de la TVA sur la marge: un casse tête?
Source: Shutterstock



mercredi 16 février 2022

Nouvelles obligations légales pour les professionnels du marché de l’art

 Une nouvelle directive européenne impose de lourdes obligations pour tous les professionnels du marché de l’art. Condensé de la matière.


L’Europe a déclaré la guerre, à juste titre, contre le blanchiment d’argent. A ce titre, un arsenal législatif a été pris au fur et à mesure des années afin d’outiller les États d’une part, et d’augmenter les obligations des pressionnels d’autre part. C’est à ce titre que les législations anti-blanchiment ont d’abord ciblé les banques, les avocats, les comptables.

C’est depuis quelques mois aussi le cas pour les galeries, maisons de vente et marchands d’art.


Le marché de l’art : attractif pour les criminels ?

Aux yeux du législateur, le marché de l’art apparaît être un refuge en termes de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.

La première hypothèse ciblée consiste à transformer des fonds illicites, provenant d’infractions diverses en les injectant dans le marché officiel par l’achat d’une œuvre d’art.

La seconde hypothèse vise l’achat et la revente d’œuvres provenant de zones archéologiques pillées, souvent en guerre. Le criminel camoufle l’origine illégale du bien en lui créant une histoire via par exemple de faux certificats et factures.

Le mode de fonctionnement de ce marché a aussi contribué à orienter les projecteurs vers celui-ci : son opacité propre, les importants flux financiers générés, la culture de la discrétion, l’internationalisation des échanges, les prix négociables…


La 5e directive de lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme (LBC-FT)

L’Europe a adopté plusieurs directives pour mettre fin à ces pratiques. La 5e (2018/843) transposée en Belgique par la loi du 20 juillet 2020, a ajouté de nouveaux assujettis liés au milieu de l’art :

- Les personnes achetant ou vendant des œuvres d’art ou des biens meubles de plus de 50 ans ;

- Les personnes agissant en tant qu’intermédiaires dans l’achat ou la vente de ces biens : galeries d’art (hormis celles qui ne font qu’exposer des œuvres), maisons de ventes aux enchères et organisateurs de foires et salons.

Considérés comme les mieux placés pour déceler les comportements suspicieux, les professionnels sont associés à la LBC/FT. Ils ont dès lors l’obligation de :

- Vérifier l’identité des personnes achetant une œuvre d’art de plus de 10.000 euros, quel que soit le mode de paiement, qu’il s’agisse du client ou de ses mandataires.

- Déclarer lorsqu’ils savent, soupçonnent ou ont des raisons de soupçonner que les opérations ou les fonds en cause sont liés au BC-FT. Cette déclaration se fait auprès de l’autorité compétente (la CTIF - Cellule de Traitement des informations financières - en Belgique). Si cette dernière estime qu’il existe des indices sérieux en ce sens, elle en avise le Procureur du Roi.

Certains critères doivent alerter le professionnel : discordance du profil du client avec la valeur du bien, fonds provenant de zones géographiques en guerre, mandataire refusant de fournir l’identité du mandant, etc.


En pratique ?

Secteur où la confidentialité et la discrétion jouent un rôle majeur, nombreux craignent un impact négatif en faisant fuir la clientèle. Le professionnel déclarant doit stopper l’opération en cause, ce qui pourrait apparaître suspect pour le client. Outre la perte quasiment automatique du client, cela en revient à faire supporter aux acteurs du marché les charges habituellement réservées aux organismes de contrôle. En outre, et à juste titre selon nous, certains estiment que le montant de 10.000 euros serait trop faible et donc lourd pour les petites structures.

Acteurs du marché de l’art, la vigilance est donc de rigueur ! La plupart ignore encore être soumis à de telles obligations… une meilleure connaissance de leur rôle au sein du dispositif LCB/FT permettrait de détecter les situations à risques et de mettre en œuvre les mesures de vigilance. En outre, une mise à jour des conditions générales apparaît être le strict minimum.




mardi 1 février 2022

ASBL artistique et culturelle : quelle organisation depuis le Covid ?

Est-il plus facile d’organiser un conseil d’administration et une assemblée générale d’ASBL ? Analyse.



La crise du covid 19 a entrainé de nombreux bouleversements, notamment la nécessité d’échanger à distance. L’organisation de la vie des ASBL culturelles a, comme tout le reste, été impactée par les mesures sanitaires, compliquant la tenue des assemblées générales (AG) et des conseils d’administration (CA) durant les confinements. Pour cette raison, un arrêté royal avait été adopté durant la crise permettait aux associations de reporter leurs AG  ou d’organiser celles-ci par voie électronique sans pour autant qu’une disposition statutaire ne prévoit cette possibilité. Cet arrêté royal n’avait cependant qu’une durée d’application limitée dans le temps. 

Fort de cette expérience, le législateur a compris la nécessité de prévoir plus de flexibilité pour l’organisation des assemblées. Heureusement, de nouvelles mesures intégrées dans le Code des sociétés et des associations simplifient et modernisent la tenue des assemblées, cette fois-ci de manière définitive. Ces mesures sont de trois ordres.

Les assemblées générales à distance

Les assemblées générales peuvent désormais se tenir à distance sur décision de l’organe d’administration sans que cette possibilité ne soit prévue statutairement. Pour ce faire, l’association doit mettre à la disposition de ses membres un moyen de communication électronique tel que les fameuses plateformes Skype, Teams, ZOOM ... rendues indispensables pendant la pandémie. 

Certaines conditions doivent également être remplies pour recourir à ces outils. Tout d’abord, la convocation à l’assemblée générale doit décrire de manière claire et précise la procédure à suivre pour participer à distance. Si l’ASBL possède un site internet, la procédure doit être rendue accessible aux membres sur celui-ci. 

Le moyen de communication utilisé doit, quant à lui, permettre de contrôler la qualité et l’identité du membre participant à distance. Ce dernier doit pouvoir prendre connaissance de manière directe, simultanée et continue des discussions au sein de l’assemblée, participer aux délibérations et poser des questions s’il le souhaite avant de, surtout, exercer son droit de vote. 

Le procès-verbal doit mentionner les éventuels problèmes et incidents techniques qui ont empêché ou perturbé l’assemblée. 

Enfin, les membres du bureau désigné afin de superviser le bon déroulement de l’assemblée doivent être physiquement présents et ne peuvent donc pas participer par voie électronique. Ces derniers assument la responsabilité de la validité de la composition de l’assemblée. 

A l’inverse des AG, aucune nouvelle mesure n’est entrée en vigueur concernant la tenue des CA par visioconférence. Nous sommes cependant d’avis que cette option est possible si elle est expressément autorisée et encadrée statutairement. 

La prise de décision par écrit

Il est également désormais possible de prendre certaines décisions par écrit à l’unanimité des voix des membres, sans mention statutaire spécifique. Ceci est possible pour toutes les décisions qui relèvent des pouvoirs de l’assemblée générale à l’exception de la modification des statuts. 

Pour les CA, des décisions peuvent également être prises à l’unanimité par écrit à l'exception des décisions pour lesquelles les statuts excluent cette possibilité.

Le vote électronique

Enfin, il est également possible pour les membres de voter par voie électronique avant l’assemblée générale. Contrairement à la mesure précédente, celle-ci doit, quant à elle, être prévue et détaillée par les statuts de l’ASBL. Il est notamment nécessaire de prévoir des garanties permettant de vérifier la capacité et l’identité des membres. 

Concernant les CA, les mêmes réflexions que celles exposées concernant la visioconférence sont de mise.

Dans la mesure où beaucoup d’ASBL n’ont pas encore mis leurs statuts en conformité avec le nouveau Code des Sociétés et des associations, c’est l’occasion de faire « d’une pierre deux coups ». Vous disposez encore d’un délai jusqu’au 1er janvier 2024. Ne tardez donc pas ! Pour rappel, il est impératif d’actualiser d’abord les statuts de son ASBL avant de poursuivre toute activité économique.

AG à distance: c'est possible! (source: shutterstock)



mardi 11 janvier 2022