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vendredi 31 juillet 2020

L’art, le droit et la prostitution

Quels liens entretiennent l’art et la prostitution ? Réflexions juridiques non exhaustive. 



La pratique de la prostitution est une réalité depuis des siècles. A travers la grille de lecture qui est habituellement la nôtre dans ces lignes (le droit), le lien avec ce phénomène ancestral est évident à plus d’un titre : 

- Le droit pénal, avec le proxénétisme et la traite d’êtres humains, 
- Le droit social avec le statut à réserver à cette forme de travail, dont la fermeture obligée des établissement concernés en période de pandémie rappelle la nécessité de veiller à structurer le phénomène adéquatement,
- Le droit des contrats quant au contenu de la prestation, 
- Ou encore, régulièrement, le droit fiscal avec le probable assujettissement à la TVA des travailleurs et travailleuses du sexe, dont les revenus sont taxés, comme tout contribuable, à l’impôt des personnes physiques.

En revanche, le lien entre l’art et la prostitution apparaît moins évident. Et pourtant, l’histoire de l’art nous donne facilement des exemples de prostituées en contacts réguliers avec les artistes, notamment pour leur servir de modèle.

L’auteur qui nous vient d’emblée à l’esprit est évidemment Henri de Toulouse-Lautrec qui engagea souvent ce type de modèle. La pratique de la photographie de charme amène également à diriger une partie de ces demandes vers les prostitués contre rémunération.

Qui dit modèle, dit droit à l’image.

En Belgique, la matière n’est pratiquement pas règlementée, le droit à l’image se fondant tantôt sur les droits de la personne, dont notamment le respect à la vie privée dont l’intimité fait indéniablement partie, tantôt sur une référence isolée parmi les règles propres aux droits de l’auteur qui apparaissent, en Belgique, dans le livre XI, titre 5 du code de droit économique.

Il y est fait une précision qui n’est, de facto, pas constitutive d’un droit pour l’auteur, mais plutôt d’une obligation face à son modèle. Le texte précise que ni l'auteur, ni le propriétaire d'un portrait, ni tout autre possesseur ou détenteur d'un portrait n'a le droit de le reproduire ou de le communiquer au public sans l'assentiment de la personne représentée ou celui de ses ayants droit pendant vingt ans à partir de son décès.

Ceci implique que le modèle a en principe le dernier mot sur ce qui peut être fait de son image et sur la manière dont celle-ci sera exploitée.

La relation contractuelle

L’artiste doit obtenir une double autorisation de la part du modèle. Ceci est évidemment valable quelle qu’en soit la qualité de l’œuvre, plus ou moins réussie et plus ou moins (voire pas du tout) artistique.

L’accord peut être tacite quant à la captation sensu stricto. Le modèle qui pose peut difficilement contester eu avoir conscience d’être photographié, sculpté, ou filmé. Il en serait différemment dans les cas de captation d’images intimes à l’insu de la personne concernée, comme c’est le cas lors d’actes de type « revenge porn » que notre société voit proliférer sur la toile depuis plusieurs années.

En tout état de cause, si l’accord quant à la captation peut être tacite, il doit être formulé de manière expresse quant à l’exploitation qui va être faite de l’image, par exemple la vente ou l’exposition de l’œuvre. Indirectement, ceci a pour effet de permettre au modèle de négocier une juste rémunération en fonction de ce qu’il est convenu.

En cas de dépassement de l’exploitation autorisée, le modèle serait en droit de réclamer des dommages et intérêts. Il est donc hautement conseillé, tant pour protéger le modèle que l’artiste, de prévoir un contrat écrit entre les parties.

Le support

Le type d’œuvre n’a aucune importance. Les règles ci-avant s’appliquent de la même manière au photographe de charme, au peintre, au caméraman ou au sculpteur.

Alexandre Pintiaux