Avec l’utilisation des outils d’intelligence artificielle, quelle protection est attachée aux œuvres générées par ce type de processus ?
La création d'images, de textes, de partitions musicales et d'œuvres d'art, y compris des toiles numérisées, par des intelligences artificielles (IA) telles que Midjourney, DALL-E 3 et l'Image Creator de Microsoft Copilot, met en évidence une nouvelle problématique relative aux droits d'auteur. Ces avancées technologiques soulèvent des questions sur la protection des œuvres générées par l'IA et leur statut juridique. Plus particulièrement, la question de l’attribution de l’œuvre joue un rôle fondamental : qui est l’auteur d’une œuvre générée en tout ou en partie par IA ?
Si les œuvres créées par IA étaient médiocres, il n’y aurait probablement pas de problème, mais avec l’essor des nouvelles technologies, une certaine forme de concurrence s’est développée entre l’homme et la « machine », cette dernière étant capable de créer – parfois aussi bien – une œuvre d’art que ne l’aurait fait un être humain. Sans parler (à ce stade) du fait que derrière la machine (l’algorithme), il y aussi le concepteur du programme qui l’a développé dans le but de générer de nouvelles créations.
Protection pour les œuvres d’art
Pour bénéficier de la protection au sens du droit d’auteur, une œuvre doit être originale et mise en forme par la personne qui revendique en être le créateur. De manière générale, le droit d’auteur s’attribue à une personne physique, un individu qui, à travers « ses choix libres et créatifs », marquera l’œuvre générée d’une touche de sa personnalité. Le choix d’un sujet, son interprétation, le support, les couleurs, la technique utilisée sont autant d’outils permettant à l’auteur de mettre en œuvre ses choix personnels.
L’œuvre doit également être mise en forme, c’est-à-dire qu’elle doit être perceptible par les sens. Dans le cas d’une œuvre d’art, le public destinataire doit pouvoir la voir… En revanche une œuvre qui est le fruit du hasard ne sera pas considérée comme protégée au sens du droit d’auteur.
Une protection juridique pour l’IA ?
Face à tous ces principes, le débat est vif lorsqu’on examine une œuvre générée par IA, en particulier en ce qui concerne la titularité des droits sur l’œuvre qui a été générée puisque, si l’on s’en tient à la législation actuellement en vigueur, le titulaire ne peut être qu’une personne humaine.
La question de la protection de l’œuvre et de la titularité des droits qui y sont liés dépendra comme toujours de la situation de fait. Qu’en est-il lorsque l’œuvre est totalement créée par l’algorithme et donc par une intelligence artificielle ? Est-ce que la machine elle-même pourrait revendiquer un droit d’auteur sur ce qu’elle a créé ?
Pour qu'une œuvre générée intégralement par IA soit protégée par le droit d'auteur, elle devrait pouvoir répondre aux deux conditions... Quid en pratique ?
La condition de mise en forme sera par potentiellement remplie, puisque notre génération artificielle sera de facto perceptible par les sens. Par contre, cette mise en forme ne sera pas le fruit de l’utilisateur de l’IA… Mais c’est surtout la condition d'originalité qui sera plus complexe à appréhender.
Pour être originale, une œuvre doit refléter la personnalité de son auteur. Celui-ci doit apporter une touche personnelle pour que cette condition soit remplie. Ainsi, le concept même d’originalité au sens du droit d’auteur semble incompatible avec ce que produit la machine car il a été conçu, à l’origine, pour des œuvres créées par des individus ayant une conscience, et non par des machines.
Une machine ne peut, à elle seule, exercer de choix libre et créatif, car elle génère du contenu sans subjectivité, sans intention spécifique et sans capacité réelle d’exprimer une personnalité. Par conséquent, elle ne satisfait pas le critère d'originalité qui repose sur une dimension personnelle et créative propre à l'auteur humain.
Il est d’ailleurs piquant de constater que chat gpt répond globalement à cette question en confirmant ces principes.
En conclusion, la reconnaissance du droit d'auteur en faveur de l’algorithme qui a généré l’œuvre nous apparait clairement contradictoire avec le cadre juridique européen actuel et les exigences de la Cour de justice de l'Union européenne. En revanche, la question reste ouverte du point de vue de l’utilisateur de l’IA et du point de vue du programmateur de l’IA. Nous poursuivrons notre analyse dans notre prochaine chronique.
Alexandre Pintiaux
Emilie Ruelle
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Source: shutterstock |