Les réseaux de
trains miniatures, minutieusement confectionnés par des passionnés, constituent
à n’en pas douter des créations intellectuelles. Néanmoins, ces créations
peuvent-elles revendiquer une protection par le droit d’auteur ?
L’auteur :
L’auteur :
Comme beaucoup,
Alexandre Pintiaux est tombé dedans quand il était petit. C’est son grand-père
qui l’a initié à la beauté des trains miniatures et au plaisir de les voir
rouler. Il avait à sa disposition un modeste réseau ovale à 3 voies (et 3 rails
Marklin) qu’il s’est efforcé d’embellir avec le temps même si le résultat final
(plus de 20 ans plus tard) ne résiste pas à la comparaison avec les véritables
œuvres présentées par de nombreux autres modélistes. C’est de là que sont parties ses
réflexions : un réseau est-il protégé ? Déformation professionnelle
certainement, puisque l’auteur est aussi avocat spécialisé dans le secteur
culturel et enseigne le droit appliqué au champ culturel à l’ULB.
Heureusement (et c’est très bien), ce hobby tient le lecteur loin de toutes ces considérations juridiques, mais l’analyse n’en demeure pas moins surprenante !
Heureusement (et c’est très bien), ce hobby tient le lecteur loin de toutes ces considérations juridiques, mais l’analyse n’en demeure pas moins surprenante !
Réseau = œuvre
protégée ?
Le droit d’auteur
protège une œuvre sans qu’aucune formalité d’enregistrement ne soit requise
pour en bénéficier, mais encore faut-il que le réseau de trains miniatures soit
considéré comme une création protégeable par le droit d’auteur. Ceci implique
que 2 conditions soient remplies :
- Une création mise en forme, à savoir qu’elle est perceptible, par opposition à une idée qui, elle, n’est pas protégeable.
- Une création originale, c’est-à-dire
qu’elle doit refléter l’esprit créateur de son auteur par des choix libres que
celui-ci a pu faire, et donc pas uniquement en fonction d’un résultat technique.
Un réseau est donc
potentiellement susceptible de répondre à ces deux conditions mais il convient
de faire une analyse au cas par cas.
- Une création mise en forme, à savoir qu’elle est perceptible, par opposition à une idée qui, elle, n’est pas protégeable.
Réseaux issus de l’imagination ou du réel
La première
condition de mise en forme est par définition toujours remplies puisque
n’importe quel réseau, même le plus modeste, est perceptible par les sens. En
revanche, l’idée de réseau de trains miniatures en vue de participer au
prochain concours des mini-réseaux organisé par votre magazine préféré, n’est
pas protégée tant qu’elle n’est pas réalisée de manière concrète. L’idée de
concevoir un réseau sur un thème ou une ville particulière n’acquiert donc
aucune forme de protection. Seule la réalisation concrète (et donc visible)
permettra de répondre positivement à la condition. Il convient d’aller au-delà
de cette idée et de passer à l’acte : la construction du réseau dans notre
cas.
La seconde condition est plus subtile. A partir de quel moment un réseau reflète-t-il l’esprit créateur de son auteur ? S’il ne fait aucun doute que ces créations ont requis de nombreuses heures de travail et un certain savoir-faire, cet aspect n’est pas constitutif de l’originalité. Le temps passé à la création, la difficulté de la création, ou encore la perfection dans la réalisation du réseau ne sont pas pertinents en matière de droits d’auteur. Ce qui compte, c’est que l’auteur fasse des choix esthétiques qui lui permettent d’exprimer sa créativité. Pour un peintre, ce sera le choix des couleurs, son support et, bien entendu, l’apposition des couleurs qui lui permettent de considérer que son œuvre est protégée. Pour un réseau, c’est l’agencement de tous les éléments dont dispose son créateur qui vont lui permettre de s’exprimer. Le tracé des voies, le décor, le choix des habitations, l’agencement de la nature, et bien entendu les petites scènes qui sont montrées sur le réseau sont autant d’outils à la disposition du créateur.
Au niveau de l’éclairage, le fait de brancher des câbles pour éclairer le réseau est une démarche technique sans originalité. En revanche, le choix de placer des éléments décoratifs lumineux à des endroits clefs permettent à l’auteur de créer une ambiance, et donc d’exprimer son esprit créateur.
La seconde condition est plus subtile. A partir de quel moment un réseau reflète-t-il l’esprit créateur de son auteur ? S’il ne fait aucun doute que ces créations ont requis de nombreuses heures de travail et un certain savoir-faire, cet aspect n’est pas constitutif de l’originalité. Le temps passé à la création, la difficulté de la création, ou encore la perfection dans la réalisation du réseau ne sont pas pertinents en matière de droits d’auteur. Ce qui compte, c’est que l’auteur fasse des choix esthétiques qui lui permettent d’exprimer sa créativité. Pour un peintre, ce sera le choix des couleurs, son support et, bien entendu, l’apposition des couleurs qui lui permettent de considérer que son œuvre est protégée. Pour un réseau, c’est l’agencement de tous les éléments dont dispose son créateur qui vont lui permettre de s’exprimer. Le tracé des voies, le décor, le choix des habitations, l’agencement de la nature, et bien entendu les petites scènes qui sont montrées sur le réseau sont autant d’outils à la disposition du créateur.
Au niveau de l’éclairage, le fait de brancher des câbles pour éclairer le réseau est une démarche technique sans originalité. En revanche, le choix de placer des éléments décoratifs lumineux à des endroits clefs permettent à l’auteur de créer une ambiance, et donc d’exprimer son esprit créateur.
Différence entre imagination et reproduction du réel
Assez curieusement,
un réseau qui se contenterait de reproduire à l’identique une gare et une rue,
sans apport créatif exclura de facto cette réalisation de la protection
par le droit d’auteur. Reproduire à l’identique ne permet pas d’exprimer son
originalité même si une telle réalisation forcera le respect par la rigueur et
la capacité de son créateur à reproduire la réalité à l’échelle choisie.
A l’inverse, une inspiration du réelle, ou une création à part entière d’un réseau qui ne reproduit pas un paysage existant serait tout à fait protégeable par le droit d’auteur.
A l’inverse, une inspiration du réelle, ou une création à part entière d’un réseau qui ne reproduit pas un paysage existant serait tout à fait protégeable par le droit d’auteur.
Conclusion
N’est-ce pas là une conclusion surprenante ? Le plus grand
modéliste qui se limite à reproduire la réalité ne serait pas protégé ? C’est
potentiellement le cas, mais encore faut-il analyser tous les éléments qu’il
aura inséré dans sa création : sans doute aura-t-il ajouté ces fameuses scènes
de la vie qui apporteront du dynamisme, une touche humoristique ou dramatique à
sa reproduction de la réalité. Celles-ci animeront les rues et gares
reproduites, à la manière d’un metteur en scène au théâtre ou d’un réalisateur
au cinéma. Le diable est dans le détail… du réseau !
Remerciement à Ashkan Sereno pour la première ébauche de cet article.