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mardi 12 septembre 2023

Les entrepôts assujettis à la loi anti-blanchiment


Après les maisons de vente, les antiquaires et les foires, c’est au tour des entrepôts d’être soumis à la législation anti-blanchiment. Analyse.

 

Une série d’Arrêtés Royaux complétant la loi du 20 juillet 2020 transposant la directive européenne relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ont été adoptés par le législateur dans le cadre de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

Dans le cadre de cette chronique, nous analysons l’Arrêté Royal du 19 avril 2023 spécifique aux entrepôts.

Quels sont les acteurs concernés ?

Le législateur entend par « entrepôt » toute personne qui met à disposition d’un client des espaces destinés à l’entreposage temporaire ou de longue durée d’œuvres et de bien de plus de 50 ans.

Le client, lui, est le tiers qui a conclu un contrat avec l’entrepôt dans le but d’entreposer des œuvres et objets d’art.

Comme les galeries et les maisons de vente, ceci signifie que l’entrepôt est amené à devoir évaluer le risque de blanchiment par son intermédiaire. Lorsqu’un nouveau client le contacte, pèse sur lui une obligation de vigilance qui implique d’identifier le client, et déterminer si ce client particulier est plus ou moins exposé à un risque de blanchiment. Dans le pire des cas, une dénonciation doit être faite auprès de la CTIF sans prévenir préalablement la personne dénoncée (Cellule de Traitement des Informations Financières).

De ce point de vue, ce sont les mêmes obligations que les autres acteurs du marché de l’art qui reposent sur lui.

Quelles particularités ?

A la différence des autres acteurs du marché qui doivent appliquer les mesures de contrôle seulement dans les cas où l’œuvre dépasse le seuil financier de 10 000 EUR, les entrepôts doivent appliquer ces différents contrôles lors de chaque opération, et ce, quelle que soit la valeur de l’œuvre ou du bien. Ils doivent donc systématiquement vérifier l’identité du client ou de ses bénéficiaires. Si cela s’avère impossible, il est interdit de finaliser l’opération.

Dans chaque entrepôt doit être désignée une personne chargée de la lutte contre le blanchiment qui va former les employés en contact avec le client mais aussi veiller à ce que les mesures de contrôle soient appliquées et qu’en cas d’opération suspecte les informations soient transmises à l’administration.

Il nous semble surprenant que l’on n’impose pas ce contrôle à partir d’un certain seuil financier, comme pourtant le cas pour les autres acteurs du marché de l’art, puisque l’entrepôt se doit de connaitre la valeur des biens s’y trouvant ne fusse que pour des raisons d’assurance. Ne pourrait-on pas y voir une atteinte disproportionnée à la vie privée ? La question mérite d’être posée.

Illustration

Face à un client qui veut y entreposer ses œuvres d’art ou ses biens meubles de plus de 50 ans, l’entrepôt doit appliquer les mesures de contrôle avant de conclure un contrat avec ce client, peu importe la valeurs des biens.

Il va devoir vérifier l’identité du client ainsi que, le cas échéant, l’identité de ses bénéficiaires. S’il est impossible de connaitre avec certitude l’identité du client, l’entrepôt ne peut finaliser l’opération.

Une fois l’identité connue, il devra également vérifier si le client n’est pas connu pour des faits de blanchiment grâce à une recherche internet. Si le client est connu pour de tels faits, il est déconseillé de conclure. En tous les cas, sa vigilance doit être accrue. Dans tous les cas, il est conseillé de garder une trace des recherches réalisées.

Enfin, si le client fait partie des personnes dont les avoirs sont gelés, il sera interdit de conclure le contrat. En outre, si les faits le justifient, l’entrepôt devra dénoncer ce client à la CTIF.

Si l’entrepôt dispose de toutes les informations requises, il peut finaliser le dépôt et veillera à conserver pendant 10 ans toutes les informations liées à ce client.


Source: shutterstock

mardi 22 août 2023

Les maisons de ventes assujetties à la loi anti-blanchiment

Le marché de l’art est soumis à la même législation anti-blanchiment que les avocats, notaires, comptables. Faisons un point sur les évolutions récentes.

 

Nous évoquions déjà dans une précédente chronique[1] une importante directement relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme. Celle-ci a été transposée en droit belge par la loi du 20 juillet 2020. Il en ressort un assujettissement de tous les acteurs du marché de l’art. Une série d’arrêté royaux (« AR » - entrée en vigueur dès cet été)) viennent d’être publiés, lesquels sont spécifiques à chaque acteur du marché qui nous concerne.

C’est l’occasion de faire le point sur chacun des cas de figure dans nos prochaines chroniques.

Quels acteurs ?

La loi ratisse de manière particulièrement large puisqu’elle vise les personnes physiques ou morales, qui achètent, vendent ou agissent en qualité d'intermédiaires dans le commerce d'œuvres d'art ou de biens meubles de plus de cinquante ans, lorsque le prix de mise en vente d'un ou d'un ensemble de ces œuvres ou biens, est d'un montant égal ou supérieur à 10 000 euros, et inscrits auprès du Service Public Fédéral Economie, PME, Classes moyennes et Energie.

Les intermédiaires visent notamment, parmi les autres acteurs du marché, les maisons de vente aux enchères[2].

Il en découle un assujettissement particulièrement large de la plupart des acteurs du marché, à condition que la valeur de l’œuvre d’art ou l’antiquité concernée par l’opération dépasse le seuil financier, alors que cette législation s’avère particulièrement difficile, voire impossible à respecter dans toute sa rigueur, en faisant supporter aux acteurs de l’économie des vérifications qui étaient par le passé faites par l’autorité étatique.

Quelle particularité pour une maison de vente ?

En tant qu’assujetti, les maisons de vente doivent mettre en place une procédure interne qui vise à s’assurer que l’ensemble des collaborateurs de la maison de vente sont formés et ont conscience qu’une veille permanente doit être faite par chacun.

L’AR précise de manière technique les points de vigilance que la maison de vente doit respecter pour agir en conformité avec la législation.

Illustrations

La maison de vente à l’obligation d’identifier tant l’acheteur que le vendeur d’une œuvre d’art. Si l’œuvre n’était pas évaluée à plus de 10.000 EUR mais que l’adjudication dépasse finalement ce seuil, la maison doit alors rétroactivement mettre en œuvre sa procédure interne, dont notamment l’obligation d’identification. Les données doivent être conservées par la maison de vente ce qui vise : les preuves d’identité, le prix, le mode de paiement, la date de l’opération, une photo de l’œuvre et ses données d’identification.

Pour les œuvres assujetties, la maison doit également déterminer les risques spécifiques à l’acheteur ou au vendeur concerné. L’AR vise une série de critère à utiliser pour faire cette évaluation, par exemple le fait que la personne exerce des fonctions publiques... Cocasse, vous avez dit ?

En particulier, il est important que la maison de vente « googlise » le nom des personnes concernées, et garde une trace de cette recherche afin de démontrer que celle-ci n’est pas notoirement connue pour des fais de blanchiment. Les commentaires de l’AR précisent fort heureusement qu’il n'est pas demandé à la maison de vente aux enchères d'aller au-delà d'une vérification en ligne.

En attendant, en cas de doute confirmé, la maison de vente à l’obligation de dénoncer l’opération à la CETIF et de ne pas la finaliser…

Source: shutterstock
Associations professionnelles ?

Il prévoit également la possibilité, pour une association professionnelle, de mettre à la disposition de ses membres des procédures et outils leur permettant de remplir une partie de leurs obligations. Il y a donc là la possibilité de mutualiser la mise en place des procédures internes afin de (tenter de) faciliter le respect de cette législation.

En tous les cas, et à défaut, notre conseil sera également notre conclusion : 
les maisons de vente doivent à tout le moins veiller à conserver une trace de leurs analyses… A défaut, elles seraient par définition dans l’impossibilité de prouver qu’elles ont eu la diligence/vigilance requise par cette nouvelle législation.


[1] Le Mad du 6 octobre 2021.

[2] Article 5, 31/1 et 31/2 de la loi.

mardi 4 juillet 2023

Attestation du travailleur des arts et commission : la suite de la réforme (partie 2/2).

Un nouvel arrêté royal relatif à la réforme du statut de l’artiste a été publié en mars. Suite de notre analyse.


C’est en mars dernier qu’un arrêté royal, portant sur le fonctionnement de la Commission du travail des arts, aux critères et à la procédure de reconnaissance des fédérations des arts et à l'amélioration de la protection sociale des travailleurs des arts, a été publié.

Nous évoquions dans notre dernier article le fait que cette commission allait avoir la lourde tâche d’émettre les différentes attestations prévues par le législateur, notamment très utiles en matière d’article 1 bis et d’allocation du travail des arts.

Cela dit, ce ne sera pas la seule mission de cette nouvelle structure puisqu’elle sera aussi compétente pour informer le secteur de ses droits, et pour traiter des recours... quant à ses propres décisions. Poursuivons notre analyse.

Working in the art

Un site internet spécifique est en cours de création, et souvent mentionné par l’acronyme de WITA, pour Working In The Art.

Il constituera le bras armé permettant à la fois d’entrer en contact avec la commission pour les demandes d’attestations, mais aussi pour y puiser des sources d’informations importantes. En particulier, ceci permettra de connaître la position de la commission sur les inévitables zones grises qui apparaitront dans la suite de la mise en œuvre de la réforme.

Représentativité

Même si les personnes qui y siègeront ne sont pas encore nommées, la composition théorique de la future commission est maintenant connue. L’arrêté royal précise :

Outre le président, chaque section linguistique (donc une francophone et une néerlandophone) comptera les membres suivants :

  1° neuf experts du travail des arts désignés par les fédérations des arts;

  2° a) un représentant de l'Office national de sécurité sociale;

  b) un représentant de l'Institut national d'assurances sociales pour travailleurs indépendants;

  c) un représentant de l'Office national de l'emploi;

  d) trois représentants désignés par les organisations syndicales interprofessionnelles;

  e) trois représentants des organisations patronales ou des organisations des travailleurs indépendants.

L’idée est que chaque partie intéressée aux règles relatives aux travailleurs des arts puissent avoir leur mot à dire. La Commission du travail des arts statue à la majorité de 60 % des voix à l'exception des chambres restreintes qui statuent à l'unanimité. Les experts du travail des arts désignés par les fédérations des arts disposent à eux seuls de 50% des voies, auxquelles nous pouvons raisonnablement nous attendre que s’y ajouteront celles des représentants syndicaux pour dégager une majorité.

Enfin, notons que l’arrêté royal précise que la commission doit établir un règlement d'ordre intérieur, contenant les modalités concernant son fonctionnement. Ce règlement d'ordre intérieur sera approuvé par la Commission du travail des arts siégeant en composition plénière. Il constituera le dernier volet juridique relatif à cette nouvelle institution et sera soumis pour approbation aux ministres ayant le Travail, les Affaires sociales et le statut social des travailleurs indépendants dans leurs attributions.

L’indemnité des arts amateurs

Le régime des petites indemnités sera également réformé pour devenir l’indemnité des arts amateurs. Ce nouveau mode de fonctionnement fera l’objet d’une chronique spécifique.

Photo: A. Pintiaux


mercredi 7 juin 2023

Allocation du travailleur des arts et commission : la suite de la réforme (partie 1/2).

 Un nouvel arrêté royal relatif à la réforme du statut de l’artiste vient d’être publié. Analyse.

 

Ce 13 mars 2023, un arrêté royal relatif au fonctionnement de la Commission du travail des arts, aux critères et à la procédure de reconnaissance des fédérations des arts et à l'amélioration de la protection sociale des travailleurs des arts a été publié au Moniteur belge.

Que nous apprend ce nouveau texte de plus de 40 articles ?

Commission du travail des arts et ses attestations

Nous avions déjà évoqué cette nouvelle commission dans notre chronique du 1er mars dernier.

Nous expliquions que la commission aurait pour mission notamment l’octroi des attestations du travailleurs des arts. Ce nouvel arrêté confirme les conditions pour les obtenir, étant entendu qu’il doit être fait une distinction entre 3 types d’attestations : l’attestation de travail des arts, l’attestation du travail des arts « plus », et l’attestation du travail des arts « débutant ».

Le rapport au roi indique que, « Sur base de chaque attestation du travail des arts, le titulaire peut invoquer toutes les règles spécifiques applicables aux travailleurs des arts, et en particulier l’article 1bis […] et les éventuels règlements futurs.

La première attestation, valable 5 ans et renouvelable, pourra être obtenue par le travailleur qui apportera la preuve « d’une pratique artistique professionnelle dans les arts ». Le législateur définit celle-ci comme relevant du domaine des arts audiovisuels, des arts plastiques, de la musique, de la littérature, du spectacle, du théâtre, de la chorégraphie et de la bande dessinée.  

L’attestation du travail des arts « plus », également valable 5 ans et renouvelable, pourra être octroyée aux artistes qui démontreront un revenu minimum brut sur une certaine période[1]. Il s’agit d’une attestation « plus » parce qu’elle donne le droit aux titulaires de cette attestation de revendiquer l’application de la règle du « statut de l’artiste », en d’autres mots : l’allocation du travailleur des arts.

Le troisième type d’attestation que la Commission pourra octroyer est l’attestation du travail des arts « débutant », qui – elle – est valable 3 ans. Elle ne pourra être délivrée qu’une seule fois, et ce, « au débutant qui a obtenu un diplôme de l’enseignement artistique supérieur de plein exercice ou dispose d’une formation ou d’une expérience professionnelle équivalente dans un secteur des arts mentionné dans l’arrêté. » . L’artiste débutant concerné devra être « soit en possession d’un plan de carrière ou d’entreprise, soit en train de suivre une formation qui l’accompagne pour développer un tel plan. »  . De plus, Il doit pouvoir prouver qu’il a soit effectué au moins 5 prestations artistiques, soit obtenu un revenu brut de 300 euros « dans le cadre des activités dites principales au cours de la période de 3 ans précédant la demande ».   Il s’agit donc de règles plus souples que celles prévues pour les deux autres types d’attestation, l’objectif étant de soutenir les « débutants » qui se lancent dans le secteur culturel. Toutefois, « À l’exception de la durée de validité́, l’attestation du travail des arts « débutant » est équivalente à l’attestation du travail des arts « plus ». »

Dans tous les cas, pour obtenir une attestation, la Commission devra analyser le caractère « artistique » et « nécessaire » de la prestation. En effet, selon le législateur, « une activité́ est considérée comme artistique seulement si le demandeur livre par cette activité́ une contribution artistique nécessaire à une création ou une exécution artistique. Une contribution artistique est considérée comme nécessaire lorsque, en l’absence de celle-ci, le même résultat artistique ne pourrait être obtenu. »

L’indemnité des arts amateurs et l’agrément des fédérations

Le texte réforme également au passage le régime des petites indemnités et fixe le mode de reconnaissance des fédérations du secteur. Cela fera l’objet de notre prochaine chronique.


[1] L’arrêté royal précise qu’un artiste qui peut démontrer un revenu supérieur à 65.400 euros bruts dans les activités principales pendant la période de 5 ans précédant la demande est toujours considérée comme une demande qui apporte la preuve d'une pratique professionnelle dans les arts.

Cependant, l’attestation est également octroyée  si l’artiste justifie de 13.546 euros bruts pendant la période de 5 ans précédant la demande ou 5.418 euros bruts pendant la période de 2 ans précédant la demande.


L’artiste qui voudra bénéficier des nouvelles règles à la suite de la réforme devra préparer un dossier.
Source : shutterstock.




vendredi 12 mai 2023