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mercredi 30 juin 2021

Nom de l’artiste : libre de droit ? (partie 1)

 L’artiste dispose-t-il d’une protection solide quant à son nom d’artiste ? Analyse.


Le nom de l’artiste est un élément essentiel et indissociable de son expression puisque c’est sous ce nom qu’il sera connu auprès du grand public. Ses œuvres sont directement associées à ce nom, à un point tel que certaines œuvres contemporaines sont pratiquement constituées uniquement par ce nom,… Les connaisseurs sauront à quelles œuvres, bien connues, nous faisons référence.

Avant de se pencher sur leur légalité, quels sont les hypothèses possibles ? De quelle marge de manœuvre l’artiste dispose-t-il ? Comme toujours, la solution légale dépend de chaque cas d’espèce.

Nom patronymique

Lorsque le nom d’artiste est identique et se confond avec son nom réel, la situation est simple. Il signe de son nom patronymique. Dans ce cas, le choix du nom sensu stricto ne constitue pas une forme d’expression particulière.

Selon nous, l’artiste ne peut revendiquer une exclusivité sur son nom patronymique, qu’il peut tout à fait légitimement utiliser, mais qu’un tiers pourrait vouloir utiliser pour une utilisation dans le cadre de ses activités propres de manière tout autant légitime.

En d’autres mots, l’artiste « Jean Dubois », ne peut empêcher l’artiste « François Dubois », de signer ses créations personnelles par son propre nom. Solution évidente et de bon sens.

La solution serait différente en cas de plagiat de l’œuvre du premier par le second. Dans ce cas, le problème n’est pas tant l’utilisation de son nom personnel mais bien le fait d’avoir produit une contrefaçon d’une œuvre existante. Un tel cas de figure est facilement solutionnable sur base du droit d’auteur en faveur de l’artiste plagié.

Pseudonyme

Le choix d’un pseudonyme est une situation très différente avec une multitude de sous-hypothèses. En théorie, le choix d’un pseudonyme offre un champ des possibles absolument infini. Rappelons qu’il s’agit là d’un des droits de l’auteur, lequel demeure libre de signer ses créations avec son nom propre (hypothèse précédente), ou son pseudonyme, voire de rester anonyme. Ces 3 cas de figures ont été visés par le livre XI, titre 5, du code de droit économique, qui est le siège de la matière du droit d’auteur.

De plus, le mot ou l’agencement de mots sélectionnés en tant que pseudonyme est susceptible de constituer une forme d’expression originale au sens du droit d’auteur, et ce indépendamment des œuvres créées. Ceci signifie que le pseudonyme, s’il est original, acquerrait une protection propre autonome par rapport aux créations de l’artiste, ce qui autoriserait l’artiste à interdire toute utilisation de ce nom par des tiers.

Un tel droit ne signifie pas pour autant que l’artiste puisse choisir tout et n’importe quoi : l’exercice de ce droit ne doit pas rentrer en conflit avec des droits préexistants appartenant à des tiers.

Premier cas : l’auteur ne peut sélectionner un pseudonyme qui serait identique au nom patronymique d’un autre artiste, sous peine de créer un risque de confusion dans l’esprit du consommateur, ce qui amènerait potentiellement à appliquer les règles en matière de concurrence déloyale, également visées par le code de droit économique.

Deuxième cas : l’auteur ne peut non plus choisir un pseudonyme qui serait identique, ou proche de celui choisi par un autre artiste, voire par une enseigne (nom commercial). Là aussi, selon les situations, un acte de concurrence déloyale pourrait être constaté.

Troisième cas : l’auteur ne peut porter atteinte aux marques préexistantes pour des catégories de produits identiques ou similaires (dans nos hypothèses : l’exercice d’une activité artistique).

Signature

Clôturons cet état des lieux en rappelant que le délit de contrefaçon porte sur la reproduction illicite d’une œuvre d’art, mais aussi sur l’apposition illicite de la signature de l’artiste sur une œuvre quelconque. Le code précise : Toute atteinte méchante ou frauduleuse portée au droit d'auteur et aux droits voisins constitue le délit de contrefaçon. Il en est de même de l'application méchante ou frauduleuse du nom d'un auteur ou d'un titulaire d'un droit voisin, ou de tout signe distinctif adopté par lui pour désigner son œuvre ou sa prestation; de tels objets seront regardés comme contrefaits.

De la sorte, l’artiste est parfaitement équipé pour protéger son nom, mais nous verrons qu’il est possible d’aller encore plus loin, notamment par le droit des marques.



mercredi 16 juin 2021

La possession d’une œuvre d’art

 Comment prouver le titre de propriété d’une œuvre lorsqu’il n’y a pas de trace d’un écrit ?


Le cas de figure est courant : que l’œuvre soit transmise de génération en génération, achetée auprès de professionnels ou de particuliers, en vente publique, ou encore donnée par l’artiste, il n’est pas toujours possible – pour une infinité de raisons - de fournir la preuve de la propriété.

Pourtant, cette preuve est/devrait être demandée par les professionnels du marché le jour où vous décidez de vous en défaire. La situation est encore plus délicate lorsque l’œuvre que vous avez s’avère être le fruit d’un vol ou d’une spoliation sans doute plusieurs (dizaines) d’années avant.

Le code civil s’est penché sur cette hypothèse de manière pragmatique.

C’est en vue d’assurer la sécurité juridique du commerce de biens mobiliers, dont les œuvres d’art font assurément parties, que l’article 2279, al.1er du code civil édicte : En fait de meubles, la possession vaut titre. On parle alors de possession sur le bien, ce qui constitue un puissant concept juridique lorsqu’il est appliqué aux œuvres d’art : toute personne en possession d’une œuvre d’art est présumée en être le propriétaire à certaines conditions. 

Plusieurs conditions

Pour revendiquer cette règle, encore faut-il qu’elle puisse être appliquée à la situation rencontrée. Le possesseur d’une œuvre doit avoir la main mise concrète sur le bien. Il faut également que son comportement corresponde à celui qu’aurait un propriétaire. Appliqué au marché de l’art, une maison de vente publique, par exemple, n’agit qu’en tant que dépositaire de l’œuvre. Jamais en tant que propriétaire, ce qui exclut automatiquement la possibilité de revendiquer la possession. 

De plus, la possession doit être qualifiée d’ « utile », à savoir:

- Être continue, c’est-à-dire s’exercer de manière durable et régulière ; 

- Être publique, c’est-à-dire ne pas être clandestine ou cachée ;

- Être paisible, c’est-à-dire ne pas perdurer grâce à un ou des actes de violence ;

- Être non équivoque, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas porter à confusion.

Si l’une de ces conditions n’est pas rencontrée, la possession perdra alors son caractère utile et le détenteur ne bénéficiera pas de la présomption de l’article 2279 du code civil.

Inutile de dire qu’en cas de revendication de l’œuvre par un tiers, c’est typiquement sur ces 4 conditions que le débat (probablement judiciaire) se portera pour permettre à l’un de conserver l’œuvre dont il était le possesseur, ou à l’autre de récupérer l’œuvre dont il aurait été dépossédé par le passé. Dans ce cas, la solution se dégagera en fonction des particularités du cas d’espèce.

Quid en cas de vol ? 

Il arrive malheureusement régulièrement que des œuvres d’art soient volées auprès de leur véritable propriétaire. Sous réserve des évidentes conséquences pénales d’un tel acte, le code civil aborde cette problématique de la manière suivante : celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans, à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient.

Ceci implique que le possesseur d’une œuvre d’art, même en ignorant qu’elle serait le fruit d’un larcin, devrait la rendre, sous réserve d’être remboursé dans le cas suivant : si le possesseur actuel de la chose volée ou perdue l'a achetée dans une foire ou dans un marché, ou dans une vente publique, ou d'un marchand vendant des choses pareilles, le propriétaire originaire ne peut se le faire rendre qu'en remboursant au possesseur le prix qu'elle lui a coûté.

Quid en cas de mauvaise foi ?

Il faut entendre par « bonne foi » la croyance légitime que la transmission de l’œuvre ait été réalisée par une personne que l’acquéreur considérait comme étant le véritable propriétaire de l’œuvre (le collectionneur ou l’artiste lui-même) ou son représentant (la galerie ou la maison de vente).

S’il devait être prouvé que l’actuel possesseur savait, au moment de l’acquisition, que celui qui vendait l’œuvre n’était en fait pas le propriétaire, il ne pourrait revendiquer – heureusement – la présomption de l’article 2279.

Le siège de la matière connaîtra une évolution très prochainement. En septembre 2021, ce fameux article sera abrogé du fait d’une importante réforme du code civil, et sera transposé dans un nouveau titre 3 dont la teneur demeure dans la lignée de ce qui est résumé ci-avant.