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mercredi 16 mars 2016

Œuvres d’art : recel et blanchiment

Le marché de l’art, comme tout marché attrayant, est parfois l’objet de malversations. Analyse du cas du recel et du blanchiment.

Source: Shutterstock
Le recel vise les choses enlevées, détournées ou obtenues à l'aide d'un crime ou d'un délit. Par exemple, lorsqu’un individu cache, ou même détient une œuvre d’art qu’il sait volée, il commet de ce fait le délit de recel. Le blanchiment vise plutôt les avantages patrimoniaux tirés du crime ou du délit. Concrètement, lorsqu’un voleur revend une œuvre volée, il en obtient une somme d’argent. Cette somme doit être considérée comme de l’argent sale puisqu’elle provient d’une infraction pénale. Il doit ensuite trouver un canal pour l’écouler et le blanchir.

En Belgique, ces éléments sont visés par l’article 505 al.1er du Code pénal et sont punis d’un emprisonnement de quinze jours à cinq ans et/ou d'une amende de 156 à 600.000 EUR.
Le marché de l’art est impacté de deux manières.

Blanchiment d’œuvres d’art

D’une part, une œuvre peut être volée, puis recelée et blanchie. Dans ce cas, l’infraction pénale originaire vise directement l’œuvre d’art, celle-ci revenant, d’une manière ou d’une autre, sur le marché dans le cadre du blanchiment.

L’actualité nous donne un exemple avec le groupe Daesh qui finance ses activités illégales notamment par la vente d’œuvres pillées dans les musées et les sites archéologiques situés dans la zone géographique sous leur contrôle. Notons que la solution juridique viendra dans ce cas du droit international, en particulier la convention de l’Unesco de 1970 concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels, et permettant, à certaines conditions, la revendication d’objets par un Etat victime d’un pillage.

Blanchiment d’argent sur le marché de l’art

D’autre part, il peut y avoir une infraction commise par ailleurs (trafic en tout genre) dont le produit serait blanchi par l’achat d’une œuvre d’art. Dans cette seconde hypothèse, l’origine de l’œuvre est tout à fait licite, mais c’est l’argent servant à son acquisition qui est d’origine illicite.

Mesures

Les Etats attachent une grande importance à la lutte contre le blanchiment d’argent. Les moyens utilisés sont de deux ordres : à la fois répressif et préventif.

L’aspect répressif est le plus connu et est visé par l’article 505 du Code pénal susvisé.

L’aspect préventif est moins connu mais impacte directement la vie des citoyens, dont les acteurs du marché de l’art. La loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme énumère notamment la règle de l’interdiction d’effectuer des paiements supérieurs à 3.000 EUR en liquide (actuellement toujours en vigueur même si le gouvernement annonça un augmentation à 7.500 EUR). Pour certains acteurs en lien avec le marché de l’art (banquiers, avocats,…), les obligations de vigilance ne sont pas négligeables. Il faut identifier clairement, par une preuve d’identité valable, le client ainsi que les bénéficiaires de l’opérations ; par exemple, lorsque l’avocat est mandater pour représenter son client dans le cadre d’une ventre d’œuvre d’art. De même que, en cas de transfert de sommes d’argent, il repose sur eux une obligation de vigilance par rapport aux opérations effectuées et l’origine des fonds.

La matière évoluera encore puisqu’une nouvelle directive (2015/849/UE) a été publiée en juin 2015 et devra être transposée par les Etats membres d’ici 2017.

De même, au niveau international, les recommandations du GAFI constituent « les normes internationalement approuvées contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme: ils augmentent la transparence et permettent aux pays de prendre des mesures contre l'utilisation illicite de leur système financier »[1].

Si ces différents textes ne sont pas spécifiques au marché de l’art, il n’en reste pas moins vrai que ceux-ci impactent les acteurs, limités dans la manière d’exercer leur commerce.





[1] www.fatf-gafi.org/fr

dimanche 6 mars 2016

Commission artiste : du changement en matière de RPI et de l’« Article 1bis »

Depuis la réforme du statut de l’artiste en Belgique en 2014, nous savions qu’une « commission artiste » allait être mise en œuvre afin d’encadrer le régime des petites indemnités (le fameux RPI) et le régime visé à l’article 1bis de la loi du 27 juin 1969. 

Rappel concernant le RPI et l'article 1bis
Pour rappel, le RPI vise à accorder un défraiement dont le montant est limité (indemnité de 123,32 EUR par jour, maximum 30 jours par an, maximum 2.466,34 EUR par an) le tout sans prélèvement de taxe et de cotisation sociale.

L’article 1bis vise, quant à lui, à assimiler à des travailleurs salariés les artistes qui remplissent certaines conditions, et ce même s'ils ne sont pas engagés au travers d'un contrat de travail sensu stricto. On parle d'artiste de commandes. Les conditions à remplir sont de 3 ordres :
  • Une commande;
  • Portant sur une prestation artistique (c'est-à-dire la création et/ou l’exécution ou l’interprétation d’œuvres artistiques dans le secteur de l’audiovisuel et des arts plastiques, de la musique, de la littérature, du spectacle, du théâtre et de la chorégraphie);
  • En échange d’une rémunération.

Entrée en fonction de la commission artiste
Aujourd'hui, l’entrée en fonction de cette commission engendre quelques modifications quant à la procédure à suivre afin d’utiliser un de ces deux régimes.

Plus précisément, la commission artiste a 4 fonctions essentielles :
  • Informer les artistes au sujet de leurs droits et de leurs obligations en matière de statut de travailleur salarié  et/ou de travailleur indépendant ;
  • Recevoir les demandes et délivrer la carte artiste ;
  • Recevoir les demandes et délivrer le visa artiste ;
  • Recevoir les demandes et délivrer la déclaration d’indépendant.
Dorénavant, il est nécessaire d’obtenir une carte artiste avant d’effectuer des prestations artistiques rémunérées par un RPI.

De même, il est nécessaire d'obtenir un visa artiste avant d’effectuer des prestations sur base du régime 1bis.

Afin d’obtenir ces sésames, il est nécessaire de remplir un formulaire qui doit être envoyé à la commission artiste à l’adresse suivante :
SPF Sécurité sociale | DG Politique sociale
Commission Artiste
Boulevard du jardin Botanique, 50, boîte 115 Centre administratif Botanique | Finance Tower
1000 Bruxelles

Le formulaire est librement téléchargeable à l’adresse suivant :
Site de la sécurité sociale

lundi 15 février 2016

Achat d’une œuvre : le droit à chaque étape

La plupart des foires d’art internationales mettent en place un comité de sélection chargé d’analyser les candidatures des galeries souhaitant y exposer. Si ce mode de fonctionnement permet, en théorie, de garantir une certaine qualité parmi les exposants, il n’en est pas de même sur le marché de l’art au sens large, où de nombreux pseudo-intervenants n’y viennent qu’en raison de l’appât du gain. Au vue des performances actuelles du marché, ce gain peut être très important, surtout face à des acheteurs inexpérimentés. Sans vouloir crier au loup, il n’est pas si exceptionnel d’être confronté à des faux, des œuvres spoliées ou volées (ce qui ne signifie pas pour autant que le possesseur soit de mauvaise foi) ou encore de véritables arnaqueurs qui disparaissent dans la nature une fois le prix de l’œuvre empoché…

Ces éléments confirment que l’achat d’une œuvre ou d’une antiquité, comme d’autres types de biens dont la valeur peut être importante, comporte souvent un risque.

Avant l’achat : la collecte d’information

La principale méthode afin de diminuer les risques consiste à développer ses connaissances à l’égard de l’objet convoité. C’est à ce titre que nous avons déjà parlé de due diligence, signifiant « audit approprié » qui consiste à mettre en place certaines recherches pour collecter des informations sur l’œuvre.

Source: shutterstock
Parmi les sources habituelles d’information, citons les monographies de l’artiste, les résultats de vente, les catalogues raisonnés, les archives d’un journal ou d’une revue spécialisée, les rapports d’expert, en ce compris les analyses scientifiques, sans parler des nombreuses bases de données sur lesquelles une œuvre peut être référencée. Rappelons à cet égard les sites d’Interpol et du FBI en cas d’œuvres précédemment volées, ou encore Artprice pour le parcours des œuvres lors de ventes publiques.

A ce stade, il s’agit donc de se prémunir face à des risques ayant des conséquences juridiques. A défaut, si l’œuvre n’est pas celle qu’on croyait (typiquement, l’œuvre est finalement un faux), il ne restera plus qu’à essayer d’annuler la vente, le cas échéant à travers une procédure judiciaire. 

Pendant l’achat : les modalités de la vente

Lors de l’acquisition en tant que telle, le collectionneur doit encore avoir quelques réflexes. Souhaite-t-il acquérir le bien dans un cadre professionnel ? Dans ce cas, il doit être rappelé le principe en la matière, à savoir l’absence de possibilité de déduire fiscalement l’achat d’une œuvre d’art.
Heureusement, des alternatives existent telle que la location, mais aussi le leasing d’œuvres d’art. A cet égard, le marché belge reste encore réticent face à cette possibilité, alors qu’elle constitue bien une piste envisageable. 

Après l’achat : les droits de l’artiste et du propriétaire

Une fois l’œuvre acquise, le propriétaire ne peut pas pour autant faire ce qu’il veut. Son droit de propriété peut entrer en conflit avec d’autres droits. Nous pensons en particulier aux droits de l’auteur ou de ses descendants sur l’œuvre. 

Pour rappel, les droits d’auteur, quoi que limités dans le temps, perdurent 70 ans après la mort de l’artiste. Hors de question, par exemple, de reproduire l’œuvre sans l’autorisation de l’artiste ou des ayants-droits. De même, il n’est pas concevable que l’acheteur d’une œuvre porte atteinte à celle-ci. La jurisprudence a déjà été confrontée à des situations où un propriétaire achetait une œuvre composée de plusieurs éléments et décidait de les revendre séparément. Une telle démarche constitue assurément une atteinte à l’intégrité de l’œuvre.

Ces quelques lignes permettent de rappeler qu’en matière d’art, si le coup de cœur reste la seule règle à suivre lors de l’achat (ou le leasing), encore faut-il assortir celui-ci d’une certaine réflexion à chaque étape du processus d’acquisition.

jeudi 11 février 2016

samedi 30 janvier 2016

Quelle définition juridique de l’Œuvre d’art ? Illustrations

D’un point de vue juridique, l’œuvre d’art est évoquée dans différentes législations. Comment est-elle définie concrètement ?



La question est sensible puisqu’elle renvoie directement à la définition de l’art en tant que tel. Qu’est-ce que l’art ? A partir de quel moment est-on face à une œuvre d’art ? Quels éléments font la qualité d’une œuvre ? La réponse est-elle la même pour une antiquité et une œuvre contemporaine ?

A titre personnel, nous pensons que l’art a pour but de susciter dans le chef du spectateur une émotion positive ou négative face à l’œuvre à laquelle il est confronté. Cette émotion peut être provoquée par une critique sociale au travers de l’œuvre, une recherche intellectuelle de l’artiste, sa volonté de choquer ou de déranger, de faire évoluer la société ou encore par l’esthétisme qui se dégage de l’œuvre.

En réalité, ces questions sont pratiquement de l’ordre de l’existentiel et leurs réponses seraient plus justement dictées par les sociologues, philosophes et historiens de l’art, pour autant qu’ils puissent se rassembler autour d’une réponse unique… (Hautement improbable).

A l’opposé, nous trouvons la rigueur du droit auquel l’art et son marché sont inévitablement confrontés. Comment le législateur a-t-il appréhendé l’art pour lui appliquer des règles spécifiques ? Le droit a besoin de définitions aussi précises que possible afin de délimiter l’application ou non des lois à des situations concrètes. En Belgique, c’est donc dans des cas précis (en matière fiscale, en droit d’auteur, etc.) que le législateur s’est penché sur la définition d’une œuvre d’art.

Multiplicité des définitions

Il n’existe pas une seule et unique définition de l’œuvre d’art qui serait applicable à l’ensemble de l’ordre juridique belge. Chaque législation aborde l’œuvre d’art selon sa propre approche.

En fonction de la question juridique à laquelle le lecteur est confronté, la définition sera différente. Plus précisément, le législateur utilise des critères qui seront différents en matière de droits d’auteur, de TVA ou encore de protection du patrimoine national. Il est dès lors tout à fait concevable – juridiquement – que certaines œuvres soient couvertes par une législation et exclues du champ d’application d’une autre législation.

La protection d’une œuvre par le droit d’auteur

La protection de la création par les droits de l’auteur[1] constitue certainement l’aspect du droit et du marché de l’art le plus connu du grand public.

Cette protection ne coule pourtant pas de source puisque l’œuvre créée n’est protégée que si deux conditions cumulatives sont remplies, à savoir :
  • être mise en forme, c’est-à-dire qu’elle constitue une réalisation concrète et non une simple idée qui, elle, n’est pas protégeable ;
  • être originale, c’est-à-dire qu’elle doit avoir permis à son auteur d’exprimer son esprit créateur[2] (condition particulièrement subjective à démontrer en cas de litige).

En réalité, ces deux conditions sont tellement larges qu’elles permettent d’englober de très nombreuses créations, qui ne sont pas des œuvres d’art. Le caractère artistique n’est nullement une condition de protection, ce qui explique que de nombreux éléments dans le monde des affaires sont actuellement protégés par le droit d’auteur. Il pourrait par exemple s’agir d’un site internet, d’un e-mail professionnel et même du code informatique servant à un programme d’ordinateur.

L’œuvre d’art et la TVA

En matière de TVA, il existe un régime particulier qui permet aux artistes de vendre leurs œuvres en y appliquant un taux de 6% au lieu de 21%. Le prix d’une oeuvre, TVA comprise, peut donc fortement varier en fonction de l’application de ce régime ou non.

Pour en bénéficier, il ne s’agit plus de remplir des conditions au sens strict, comme en matière de droits d’auteur. Le législateur a préféré viser des objets communément admis comme étant des œuvres d’art, et ce indépendamment de toute considération artistique[3]. Sont notamment listés :
  • les tableaux, collages et tableautins similaires, peintures et dessins, entièrement exécutés à la main par l'artiste ;
  •  les gravures, estampes et lithographies, originales;
  • les productions originales de l'art statuaire ou de la sculpture en toutes matières, exécutées entièrement par l'artiste; les fontes de sculptures à tirage limité à huit exemplaires et contrôlé par l'artiste ou ses ayants droit;
  • ou encore les photographies prises par l'artiste, tirées par lui ou sous son contrôle, signées et numérotées dans la limite de trente exemplaires, tous formats et supports confondus.

Autorisation d’exportation

L’exportation d’œuvres d’art est délicate lorsqu’elle porte sur une œuvre majeure, car l’on considère que c’est le patrimoine national qui s’appauvrit. C’est pour éviter cet appauvrissement que quelques règles ont été émises pour encadrer ce type d’exportation hors des frontières.

C’est le législateur européen qui édicte les grandes lignes de la matière dans l’ensemble de l’Union[4][5].

Comme en matière de TVA, le texte vise une série d’objets par catégorie, auxquelles quelques conditions complémentaires s’appliquent (valeur et âge de la création principalement). Parmi une liste de 14 catégories, nous relevons les plus inhabituelles et interpellantes (bien tendu, les œuvres plus classiques sont également visées avec leurs conditions propres) :
  • les objets archéologiques ayant plus de 100 ans;
  • les incunables et manuscrits, y compris les cartes géographiques et les partitions musicales, de plus de 50 ans;
  • les livres de plus de 100 ans;
  • les cartes géographiques, imprimées de plus de 200 ans;
  • les collections et spécimens provenant de collections de zoologie, de botanique, de minéralogie ou d'anatomie;
  • les moyens de transport ayant plus de 75 ans.

Les seuils financiers, suivant les types d’objets en cause, varient entre 15.000 EUR (par exemple pour les mosaïques, les photographies, les dessins) et 150.000 EUR pour les tableaux.

Nous le constatons : de nombreuses œuvres sont donc excluent de ce régime au moyen de cette définition.

Statut d’artiste : une définition de l’activité artistique

Dans la mesure où des règles spécifiques ont été édictées par le législateur en faveur des artistes, la loi du 27 juin 1969 révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs se penchent également sur la question de l’œuvre d’art, ou plus particulièrement sur ce qui constitue une activité artistique.

L’article 1 bis de la loi précise : Par "la fourniture de prestations et/ou la production d'œuvres de nature artistique", il y a lieu d'entendre "la création et/ou l'exécution ou l'interprétation d'œuvres artistiques dans les secteurs de l'audiovisuel et des arts plastiques, de la musique, de la littérature, du spectacle, du théâtre et de la chorégraphie ".

La loi vise ensuite une commission d’artiste à charge pour elle d’évaluer si l'intéressé fournit des prestations ou produit des œuvres de nature artistique.

Le but final de cette législation est de permettre l’accès de l’artiste avéré à la législation spécifique en matière d’allocation de chômage plus avantageuse que pour les autres demandeurs d’emploi non-artistes.

L’affaire Brancusi

Le législateur n’est pas le seul à avoir dû, bon gré mal gré, se pencher sur le concept d’œuvre d’art. A l’autre bout de la chaine du droit se trouve le juge qui doit appliquer les lois. Une jurisprudence systématiquement citée dans les ouvrages en droit de l’art nous vient des Etats-Unis et a opposé l’artiste Brancusi à l’Etat Américain[6].

Il faut préciser qu’aux Etats-Unis, selon le Tariff Act applicable à l’époque des faits (1928), les œuvres d’art rentraient dans le pays en application du régime fiscal du « duty free » (exempt de taxes). L’artiste souhaitait importer dans le pays une sculpture connue sous le nom de « L’oiseau dans l’espace». En l’espèce, s’agissant d’une œuvre figurative, le douanier américain confronté à celle-ci estima qu’il ne pouvait être question d’art mais d’un objet en métal importé. En conséquence, il a considéré que le bien devait être taxé en tant que tel et non exempté en tant qu’objet d’art.

Une fois l’affaire portée devant les Tribunaux compétents par l’artiste, l’Etat américain a avancé des arguments divers, usant de considérations esthétiques pour justifier la taxation. Un de ces arguments invoquait la non-ressemblance entre l’œuvre et ce qu’elle représentait. L’artiste, quant à lui, répliquait en invoquant la perception esthétique qu’il avait de son œuvre, la beauté attachée au bien qui en faisait sa qualité d’œuvre d’art et enfin l’absence d’utilité de l’œuvre ce qui caractérise tout objet d’art. De la sorte, le juge américain a été forcé de déterminer ce qu’était en soi une œuvre d’art.

Après de long débat, le juge suivit les arguments de Brancusi et conclut qu’il s’agissait bien d’une œuvre dans le cas d’espèce. Il retint la finalité décorative de l’œuvre qui doit être comparée à la finalité décorative de toutes œuvres d’art des grands maîtres, et ce indépendamment de l’approbation ou non de la démarche artistique qu’un nouveau courant pouvait générer. En procédant de la sorte, le juge a rejeté les éléments subjectifs liés à l’appréciation de l’œuvre.

Transposé à notre droit, une telle décision n’a que peu de chance d’être rencontrée. Nous avons vu l’approche du législateur définissant l’œuvre non pas de manière abstraite, mais en y appliquant des conditions ou des listes descriptives, sans considérations esthétiques.

Même dans le monde de l’art, notre droit reste une matière aride.


[1] Articles XI.165 et suivants du Code de droit économique.
[2] C.J.C.E, 16 juillet 2009, arrêt Infopaq, C-5/08.
[3] Arrêté royal n° 20, du 20 juillet 1970, fixant les taux de la taxe sur la valeur ajoutée et déterminant la répartition des biens et des services selon ces taux.
[4] Règlement (CE) n° 116/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 concernant l'exportation de biens culturels
[5] Voyez aussi notre analyse de ce régime dans notre article du 4 mars 2015.
[6] US Customs Court, 3rd division, November 26, 1928, CONSTANTIN BRANCUSI vs USA, Protest n° 209109-G.