Quel cadre juridique est applicable en Belgique
lorsqu’une œuvre a été spoliée durant la seconde guerre mondiale. Le point sur
la question.
Le terme spoliation fait référence aux œuvres détournée
par le régime nazi auprès des groupes ciblés, en particulier la communauté
juive d’Europe.
En février 2022, le musée des Beaux-Arts a, pour la
première fois, restitué à ses propriétaires légitimes un tableau spolié. La
famille Mayer a ainsi obtenu, plus de 80 ans après les faits, la restitution de
ce qui leur avait été enlevé.[1] Il s’agissait d’une nature
morte, Les Fleurs, réalisée par le peintre Lovis Corinth en 1913. Les
propriétaires originels, Gustav et Emma Mayer, étaient un couple juif qui ont
vu leurs effets personnels et leur collection d’art confisqués par les forces
d’occupation allemande lorsqu’ils ont séjourné en Belgique après avoir fui l’Allemagne
nazie en 1938[2].
Toutefois, Les Fleurs de Corinth n’est qu’un
tableau parmi tant d’autres objets d’art pillés pendant la guerre. En effet, « en
quelques années seulement, des centaines de milliers de peintures, de
sculptures, de livres et de meubles anciens ont été transportés en Allemagne ou
en Autriche » [3].
En 1998, lors de la Conférence de Washington, la
communauté internationale s’était réunie afin d’établir les lignes
directrices dans le but d’encourager les États concernés à prendre des
mesures pour faciliter la restitution des œuvres spoliées : 11 principes
non-contraignants ont été publiés.
A la suite, en décembre 2001, la Belgique a adopté une
loi relative au dédommagement des membres de la Communauté juive de Belgique
pour les biens dont ils ont été spoliés ou qu'ils ont dû abandonner pendant la
guerre 1940-1945. Cette loi a établi une Commission, qui était chargée
d’examiner les demandes de dédommagement des victimes ou de leurs ayant-droits,
a analysé 5640 dossiers pour un dédommagement global de 35,2 millions d’euros.
Depuis 2008, fin de la période d’activité de la Commission, c’est la
chancellerie du Premier Ministre qui reçoit les demandes relatives au
dédommagement.
En 2009, dans le prolongement de la Conférence de
Washington, 46 pays dont la Belgique ont adopté la Déclaration de Terezin[4]. Cette déclaration fait
suite à la constatation suivant laquelle très peu de biens spoliés en Europe
avaient été restitués ou fait l’objet de compensation. Il s’agit d’un appel aux
États à trouver des solutions adéquates pour réparer le dommage causé aux
victimes de spoliation du régime hitlérien.
Depuis, si les demandes de restitution venant de
familles concernées sont relativement rares en Belgique, cela ne signifie pas
pour autant l’absence d’œuvres spoliées sur notre sol.
En parallèle de la restitution du tableau des Mayers, le Musée des Beaux-Arts a ouvert en février 2022 deux salles d’exposition à l’occasion de la campagne « Museum in Questions », lancée à l’automne 2021. La première salle porte sur la question des spoliations sous le régime nazi, et la seconde est dédiée à l’héritage colonial de la Belgique – sujet d’actualité faut-il le préciser.
En parallèle de la restitution du tableau des Mayers, le Musée des Beaux-Arts a ouvert en février 2022 deux salles d’exposition à l’occasion de la campagne « Museum in Questions », lancée à l’automne 2021. La première salle porte sur la question des spoliations sous le régime nazi, et la seconde est dédiée à l’héritage colonial de la Belgique – sujet d’actualité faut-il le préciser.
Ces évolutions nous
amènent à considérer la différence entre le droit d’un côté, lequel est
gouverné par les principes du code civil et en particulier les questions de
prescriptions, avec l’engagement moral des états pour réparer les blessures de
l’histoire de l’autre, le second influençant le premier. A ce titre, la
restitution du tableau de Corinth nous apparait symboliquement forte et
méritait d’être mise en évidence dans notre société.
La problématique des œuvres spoliées par les nazis reste un sujet d'actualité! |
[1] Daniel Couvreur,
« Des Fleurs symboliques de la fin des spoliations », Le Soir, 11
février 2022, p.19.
[2] Archives de l’Etat,
« Spoliation d'œuvres d'art et archives », 8 mars 2022, https://www.arch.be/index.php?l=fr&m=actualites&r=toutes-les-actualites&a=2022-03-08-spoliation-d-oeuvres-d-art-et-archives – consulté
le 24 juin 2022.
[3] Idem.
[4] Déclaration de
Terezín sur les avoirs liés à l'époque de la Shoah et les questions connexes,
30 Jun 2009.