Pour rappel, le droit de suite constitue une rémunération perçue au profit des
auteurs d’œuvres originales graphiques, plastiques et photographiques lors des
reventes de leurs œuvres au cours desquelles intervient un professionnel du
marché de l’art[1].
Concrètement, pour autant que
l’œuvre d’art soit revendue à un montant supérieur à 2.000 EUR, l’artiste
bénéficiera d’un pourcentage calculé sur le prix de revente, celui-ci variant par
seuils successifs. Il est de 4 % pour la tranche du prix de vente jusqu'à
50.000 EUR, et diminue par tranches jusqu’à 0,25 % pour la tranche du prix de
vente dépassant 500.000 EUR[2].
Jusqu’à aujourd’hui, et pour
autant que les conditions soient remplies, le professionnel de l’art devait
procéder à la déclaration auprès de la société de gestion collective gérant les
droits de l’artiste. Or, rien que dans notre pays, il existe de nombreuses
sociétés de gestion, chacune pouvant – potentiellement – être chargée de la
gestion des droits d’un artiste… pour autant qu’il y en ait une ! Car
l’artiste (ou ses descendants) pourrait tout aussi bien gérer ses droits
lui-même. Dans la pratique, les acteurs du marché de l’art, dont notamment les
maisons de vente aux enchères, devaient systématiquement se poser la question
de la personne mandatée pour gérer lesdits droits et procéder à la déclaration
en bonne et due forme. Il était donc nécessaire de centraliser ces déclarations
au sein d’une même et unique structure.
Vers une plateforme unique
Dicté par l’Union européenne, le
législateur belge a intégré ces aspects dans le nouveau Code de droit
économique. Il doit cependant être complété par un Arrêté royal dont le premier
jet vient d’être proposé à la Cour constitutionnelle pour relecture.
Chargée de récolter les sommes
dues sur base du droit de suite, l’on peut y lire que la plate-forme unique est
représentative de tous les titulaires du droit de suite. Elle doit de la sorte
garantir une gestion équitable et non discriminatoire du droit de suite tant
auprès des ayants droit qui ont confié contractuellement la gestion de leurs
droits de suite aux sociétés de gestion collective qu’auprès de ceux qui ne
leur ont pas contractuellement confié une telle gestion.
Artiste : que faire ?
Tout dépend des situations. Si
l’artiste est concerné par le droit de suite, il peut s’adresser à la société
de gestion collective auprès de laquelle il est affilié. Si ce n’est pas le
cas, il peut s’adresser à son conseil juridique, à charge pour lui de faire le
nécessaire dès que cette plateforme unique sera créée, ou s’adresser
directement à la structure visée afin de réclamer son dû.
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Jurisprudence innovante
La matière n’est pas uniquement
en mouvement sur le plan législatif. La jurisprudence européenne apporte
également son lot d’informations précieuses quant à la manière d’appliquer le
droit de suite.
Jusqu’à présent, le droit de
suite était supporté par le propriétaire qui proposait à la vente l’œuvre
d’art. En France, cela était même imposé par le législateur.
Cependant, un récent Arrêt de la Cour de justice
de l’Union Européenne vient d’indiquer à ce dernier pays que des aménagements
législatifs allaient être nécessaires. En effet, selon la Cour, le droit de
suite pourrait être supporté par l’acheteur final. Nul doute que des maisons de
vente vont saisir cette opportunité et adapter leurs conditions générales en
conséquence. Les candidats acheteurs devront donc tenir compte de cette
possibilité car, concrètement, le prix fixé par l’adjudication finale pourrait
être majoré (1) des frais de la maison de vente (comme par le passé), et (2) du
montant correspondant au droit de suite.