Au cours du temps, le collectionneur d’œuvres d’art effectue de nombreux actes de gestion afin d’entretenir et de développer sa collection. Citons par exemple l’achat et la revente de pièces, ou le prêt d’œuvres d’art lors de rétrospectives et d’expositions afin d’augmenter la valeur potentielle des biens prêtés. Parmi les différentes démarches qu’un collectionneur effectue, le choix de la restauration d’une pièce peut avoir une série de conséquences. Scientifiquement parlant, la restauration permet d’en apprendre davantage sur les techniques utilisées par l’artiste, ses matériaux, et permet parfois même une réattribution de l’œuvre. C’est ainsi qu’un restaurateur a eu un jour la surprise de découvrir sous une coulée de peinture la signature de… Monet. Pour le plus grand plaisir du propriétaire !
D’un point de vue juridique, deux cas de figures sont envisageables : ou bien la restauration est parfaite, auquel cas aucune difficulté particulière n’est à noter, si ce n’est celle de payer le coût du travail effectué par le restaurateur; ou bien la restauration s’avère être catastrophique et les difficultés surgissent.
Un cas d’école, maintenant bien connu, est celui de l’amusante restauration du « Ecce Homo » de l’artiste inconnu Elías García Martínez et propriété de l’église d’un village espagnol. Pour rappel, Madame Cecilia Giménez, une habitante du village, a décidé d’apporter son coup de pinceau à la restauration (que personne n’avait demandé) de l’œuvre en question. Résultat surprenant !
D’un point de vue juridique, nous exposions dans notre précédent article qu’un des droits des auteurs portait sur le respect de la création et de son intégrité (voir Le MAD du 30 octobre 2013 et l’encadré ci-après). Pour Ecce Homo, nul doute que ce droit n’a pas été respecté. Seulement, dans la mesure où les droits d’auteur ont une durée limitée dans le temps, la restauratrice en herbe n’a pas été inquiétée, les droits étant éteints .
Droits d’auteur applicables ou pas, il n’en reste pas moins que l’échec d’une restauration cause un préjudice au propriétaire de l’œuvre qui voit la valeur de celle-ci plus ou moins fortement diminuer. D’un point de vue juridique, si une personne cause un préjudice à une autre personne, elle doit le réparer, par exemple par le versement de dommages et intérêts.
Détail amusant, Madame Giménez n’aura pas longtemps été inquiète du mauvais résultat de sa prestation. Jusque-là, l’artiste était inconnu et l’église qui l’exposait n’était jamais visitée. Maintenant, les touristes payent pour la voir.
Ultime ironie de l’histoire, l’échec de la restauration va également rapporter de l’argent à la restauratrice puisque Madame Giménez, probablement approchée par des avocats consciencieux, s’est rendue compte qu’elle était en droit de réclamer elle-même des droits d’auteur sur sa « réinterprétation », celle-ci pouvant être considérée comme originale au sens de la loi. Dans ce cas-ci, au final, tant le propriétaire que la restauratrice s’y retrouve, mais il s’agit là d’un cas exceptionnel dans ce genre de circonstance.