À l'ère de l'intelligence artificielle, la frontière entre créateur humain et machine semble assez floue, notamment lorsqu'il s'agit de déterminer qui détient les droits sur une œuvre générée par une IA.
Dans notre précédente chronique , nous avons vu qu’une IA ne peut être considérée comme autrice du contenu généré.
Nous nous tournons maintenant vers le concepteur de l’IA : pourrait-il être considéré comme l’auteur des œuvres que l’intelligence artificielle qu’il a créée, génère ? On vise donc ici le programmateur informatique à la source du développement de l’IA.
Le rôle central du concepteur
Le concepteur d’IA joue un rôle central dans la conception de l’outil : il définit les algorithmes, prépare les paramètres du système et sélectionne les données d’entraînement. En ce sens, il encadre le processus créatif, mais de manière indirecte.
Bien que plusieurs arguments puissent plaider en faveur de la reconnaissance d’un droit d’auteur pour le concepteur d’un tel outil, en raison de son implication dans la définition des algorithmes et l'insertion des données d’entraînement, il reste incertain que ces actions suffisent à justifier un droit d’auteur. En effet, certains éléments, que nous avons abordés précédemment, soulèvent des doutes à ce sujet.
Pour rappel, pour revendiquer un droit d’auteur sur une œuvre, il est nécessaire que l’œuvre soit originale et qu’elle reflète la personnalité de son auteur. Autrement dit, l’œuvre doit traduire l’intention créative de son auteur humain. La question qui se pose est donc : le simple fait pour le concepteur de paramétrer l’algorithme et d’entraîner l’IA suffit-il pour revendiquer un droit d’auteur sur ce que l’IA génère ensuite une fois mise en fonction auprès de tiers utiilisateurs?
Une création directe et personnelle ?
Selon nous, la réponse se dirige vers la négative. En effet, dans le cas d’une œuvre générée par une IA, même si le concepteur a défini des paramètres spécifiques, c’est l’IA qui reste responsable de ce qu’elle génère finalement. En d’autres termes, la personnalité de l’auteur humain ne transparaît pas directement dans l’œuvre produite.
Si il est vrai que le concepteur a paramétré et entraîné l’IA d’une manière précise, il n’y a pas d’intention créative humaine directe dans l’œuvre générée. Le problème réside dans le fait que, bien que le concepteur ait programmé l’outil, il ne peut pas revendiquer la paternité de l’œuvre générée, car il n'est pas l’auteur direct de celle-ci. En effet, la plupart des systèmes juridiques imposent que l’œuvre soit une création directe et personnelle de l’auteur humain, avec une intervention claire de ce dernier. Or, dans le cas d’une œuvre générée par l’IA, celle-ci fait appel à un processus autonome. Le concepteur n’exerce pas de contrôle direct sur chaque œuvre produite par l’IA et n’est donc pas l’auteur de celle-ci.
Le concepteur : auteur de l’outil, mais pas de l’œuvre générée
A l’inverse, quid de la revendication du concepteur sur l'algorithme qu'il a créé ?
L'algorithme et le logiciel développés par le concepteur, en tant qu'outils, sont susceptibles de bénéficier d’une protection par le droit d’auteur si les conditions sont remplies. En d’autres termes, le concepteur sera reconnu comme auteur du logiciel ou de l’outil IA qu’il a conçu, mais pas de l’œuvre générée par l’IA ensuite.
La législation actuelle semble aller dans ce sens : elle ne reconnaît pas de droit d’auteur pour le concepteur d’IA sur les œuvres générées par l’IA qu’il a créée. En revanche, le concepteur reste bien l’auteur du logiciel et de l’outil lui-même. Toutefois, il n’est pas exclu que les législations en matière d’intelligence artificielle et de droit d’auteur prévoient, dans quelques années, des réponses plus détaillées à ces questions. Le cadre juridique est encore loin d’être totalement finalisé dans une technologie elle-même en évolution permanente. Affaire à suivre !
Alexandre Pintiaux
Emilie Ruelle
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| (c) Alexandre Pintiaux |
