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vendredi 12 décembre 2025

Droit de l’art et intelligence artificielle : l’utilisateur est-il protégé ? (partie 3)

L’artiste, qui utilise une intelligence artificielle dans son processus créatif, bénéficie-t-il d’une protection de l’œuvre finale ?


Dans nos précédents articles , nous avons abordé les problématiques liées au droit d’auteur et à l’intelligence artificielle dans le contexte du droit de l’art. Nous nous sommes tout d’abord interrogés sur la possibilité pour une IA, en tant qu’outil, de revendiquer elle-même un droit d’auteur sur ses créations. Nous avons ensuite analysé si le concepteur de l’IA, c’est-à-dire celui qui programme la machine, pouvait prétendre à un droit d’auteur sur les résultats générés par cette dernière .

Dans ce dernier volet, nous aborderons une question essentielle: l’utilisateur d’une IA peut-il revendiquer un droit d’auteur sur ce que l’outil produit lorsqu’il est utilisé comme moyen de création ? Pour y répondre, deux hypothèses sont posées. 

La simple insertion d’instructions : une absence d’effort créatif personnel

La première hypothèse concerne la situation où l’utilisateur se contente d’insérer des instructions dans un outil d’IA. Par exemple, demander à la machine de créer une histoire ou une œuvre d’art en insérant une directive assez générale. Dans ce cas, l’utilisateur ne fournit aucun effort créatif personnel: il se limite à donner un ordre sans que son identité ou sa personnalité ne se reflète dans l’œuvre produite.

Le principal obstacle ici réside dans le critère de l’originalité, indispensable à l’octroi d’un droit d’auteur. Si la personnalité (définie ici comme étant l’esprit créateur) de l’utilisateur ne transparaît pas dans le résultat généré, il serait impossible pour celui-ci de revendiquer un droit d’auteur. Une simple commande, aussi générale soit-elle, ne peut être considérée comme un effort créatif suffisant pour satisfaire ce critère.

Nous pouvons dire qu’il n’y a point de protection en cas d’absence d’esprit créateur reflétant une personnalité.

La transposition de la volonté de l’artiste : une originalité suffisante ?

La deuxième hypothèse concerne le cas où l’utilisateur utilise l’IA pour reformuler une histoire qu’il a écrite lui-même ou encore pour générer une œuvre telle qu’il la conçoit et qu’il a déjà projeté dans une esquisse. En d’autres mots, l’IA intervient ici pour améliorer ou adapter une création préexistante de l’utilisateur.

Dans cette situation, la réponse pourrait être différente. En écrivant sa propre histoire ou en fixant une première esquisse, l’utilisateur réalise un effort créatif personnel qui reflète son empreinte et son identité. Même si l’IA intervient pour reformuler cette création, les éléments de personnalité et d’originalité de l’utilisateur restent présents. Ainsi, dans la mesure où l’utilisateur insère des informations qui traduisent ses choix libres et créatifs, il pourrait, à notre sens, prétendre à un droit d’auteur non seulement sur son projet initial, mais aussi sur l’œuvre finale corrigée par l’IA.

Dans ce contexte, le critère de l’originalité semble rempli, car l’effort créatif n’est pas exclusivement attribuable à l’IA, mais bien à l’utilisateur qui a initié et orienté fortement le processus. Il a laissé son empreinte personnelle en amont dans l’œuvre qu’il a créée. A ce titre, une protection nous semble tout à fait défendable.


En conclusions de nos chroniques sur le sujet, la règlementation autour de l’intelligence artificielle étant amenée à évoluer, cette question reste largement ouverte et sujette à interprétation en fonction des circonstances de chaque espèce. Bien qu’avant-gardiste à ce stade, il n’est pas exclu que le législateur vienne préciser ces points dans les années à venir. 

Pour tenter d’éclairer les différentes situations où une personne (le programmateur de l’IA ou l’artiste utilisateur) pourrait, ou non, prétendre à un droit d’auteur en fonction de l’effort créatif et de l’originalité qu’il apporte à une création issue d’une IA, il convient de se poser inévitablement la question de son influence réelle sur le résultat final.


Alexandre PINTIAUX

Emilie RUELLE

© AP



vendredi 21 novembre 2025

Droit de l’art : intelligence artificielle et œuvre d’art, quid du concepteur d’IA ? (partie 2)

À l'ère de l'intelligence artificielle, la frontière entre créateur humain et machine semble assez floue, notamment lorsqu'il s'agit de déterminer qui détient les droits sur une œuvre générée par une IA.

Dans notre précédente chronique , nous avons vu qu’une IA ne peut être considérée comme autrice du contenu généré.

Nous nous tournons maintenant vers le concepteur de l’IA : pourrait-il être considéré comme l’auteur des œuvres que l’intelligence artificielle qu’il a créée, génère ? On vise donc ici le programmateur informatique à la source du développement de l’IA.

Le rôle central du concepteur

Le concepteur d’IA joue un rôle central dans la conception de l’outil : il définit les algorithmes, prépare les paramètres du système et sélectionne les données d’entraînement. En ce sens, il encadre le processus créatif, mais de manière indirecte.

Bien que plusieurs arguments puissent plaider en faveur de la reconnaissance d’un droit d’auteur pour le concepteur d’un tel outil, en raison de son implication dans la définition des algorithmes et l'insertion des données d’entraînement, il reste incertain que ces actions suffisent à justifier un droit d’auteur. En effet, certains éléments, que nous avons abordés précédemment, soulèvent des doutes à ce sujet.

Pour rappel, pour revendiquer un droit d’auteur sur une œuvre, il est nécessaire que l’œuvre soit originale et qu’elle reflète la personnalité de son auteur. Autrement dit, l’œuvre doit traduire l’intention créative de son auteur humain. La question qui se pose est donc : le simple fait pour le concepteur de paramétrer l’algorithme et d’entraîner l’IA suffit-il pour revendiquer un droit d’auteur sur ce que l’IA génère ensuite une fois mise en fonction auprès de tiers utiilisateurs?

Une création directe et personnelle ?

Selon nous, la réponse se dirige vers la négative. En effet, dans le cas d’une œuvre générée par une IA, même si le concepteur a défini des paramètres spécifiques, c’est l’IA qui reste responsable de ce qu’elle génère finalement. En d’autres termes, la personnalité de l’auteur humain ne transparaît pas directement dans l’œuvre produite.

Si il est vrai que le concepteur a paramétré et entraîné l’IA d’une manière précise, il n’y a pas d’intention créative humaine directe dans l’œuvre générée. Le problème réside dans le fait que, bien que le concepteur ait programmé l’outil, il ne peut pas revendiquer la paternité de l’œuvre générée, car il n'est pas l’auteur direct de celle-ci. En effet, la plupart des systèmes juridiques imposent que l’œuvre soit une création directe et personnelle de l’auteur humain, avec une intervention claire de ce dernier. Or, dans le cas d’une œuvre générée par l’IA, celle-ci fait appel à un processus autonome. Le concepteur n’exerce pas de contrôle direct sur chaque œuvre produite par l’IA et n’est donc pas l’auteur de celle-ci.

Le concepteur : auteur de l’outil, mais pas de l’œuvre générée 

A l’inverse, quid de la revendication du concepteur sur l'algorithme qu'il a créé ? 

L'algorithme et le logiciel développés par le concepteur, en tant qu'outils, sont susceptibles de bénéficier d’une protection par le droit d’auteur si les conditions sont remplies. En d’autres termes, le concepteur sera reconnu comme auteur du logiciel ou de l’outil IA qu’il a conçu, mais pas de l’œuvre générée par l’IA ensuite.

La législation actuelle semble aller dans ce sens : elle ne reconnaît pas de droit d’auteur pour le concepteur d’IA sur les œuvres générées par l’IA qu’il a créée. En revanche, le concepteur reste bien l’auteur du logiciel et de l’outil lui-même. Toutefois, il n’est pas exclu que les législations en matière d’intelligence artificielle et de droit d’auteur prévoient, dans quelques années, des réponses plus détaillées à ces questions. Le cadre juridique est encore loin d’être totalement finalisé dans une technologie elle-même en évolution permanente. Affaire à suivre !

Alexandre Pintiaux

Emilie Ruelle


(c) Alexandre Pintiaux



jeudi 30 octobre 2025

L'actualité est riche

L'actualité du cabinet est riche en formations, conférences, et interventions diverses:

J'aurai le plaisir d'intervenir dès ce mardi 4 novembre sur la question de l'expertise au sein du marché de l'art avec une approche strictement juridique (évidemment). N'hésitez pas à vous inscrire via ce lien.


J'aurai également le plaisir de participer à un nouveau certificat inter-universitaire relatif à l'art, le droit et le marché. N'hésitez à consulter le lien suivant pour plus d'information.


Et encore d'autres conférences en discussion actuellement...

A suivre.


Alexandre PINTIAUX

mercredi 3 septembre 2025

OFFRE DE COLLABORATION

Kaléïs – avocats et médiateurs

Avocat Stagiaire (H/F/X) en droit des entreprises et droit des arts et de la culture

Notre cabinet (www.kaleis.be), une structure à taille humaine, se distingue par son expertise en droit des entreprises et en droit des arts et de la culture. Nous accompagnons une clientèle variée composée d’entreprises, de particuliers, et de figures du monde artistique (artistes, galeries, théâtres, musées, maisons de vente, producteurs, compagnies, musiciens, etc.).

Nous cherchons à intégrer un(e) collaborateur/trice junior pour nous accompagner dans notre développement, avec une date de début en décembre 2025.

Pourquoi nous rejoindre ?

Nous savons qu’une collaboration réussie repose sur la confiance, l’équilibre et la rigueur. C’est pourquoi nous offrons un environnement de travail qui valorise l’autonomie et le développement personnel. Au-delà des dossiers, vous aurez la possibilité de participer activement à la vie du cabinet, notamment dans le secteur culturel, et à son développement.

Vos missions et responsabilités

En collaboration directe avec les avocats associés, vous serez impliqué(e) dans :

  • La rédaction d’actes de procédure (conclusions, avis juridiques, courriers, …) et la participation aux audiences ;
  • La préparation des réunions clients ;
  • Des recherches juridiques variées, en droit civil, commercial, et spécifiquement en droit des arts et de la culture ;
  • La contribution à des articles de doctrine et autres publications que vous êtes susceptibles de co-signer.

Le profil que nous recherchons

Plus qu’un parcours académique, nous cherchons avant tout un profil présentant des qualités en accord avec notre vision du métier d’avocat :

  • Entrepreneurial(e) et dynamique : vous n’êtes pas là pour suivre, mais pour proposer et vous impliquer ;
  • Autonome et pragmatique : vous savez prendre des initiatives et trouver des solutions ;
  • Passionné(e) par le raisonnement juridique : vous aimez argumenter, défendre un point de vue, anticiper la réaction de la partie adverse, grâce à votre maîtrise du dossier et vos connaissance juridiques ;
  • Convivial(e) : l’entente est essentielle dans une petite structure ;
  • Bilingue français/anglais ou français/néerlandais : une connaissance minimale d’une seconde langue (EN/NL) est indispensable. La maîtrise d’une troisième langue est un atout ;
  • Une première expérience est un plus, mais n’est pas obligatoire ;
  • Avoir le CAPA est également un plus, mais pas obligatoire ;
  • Le permis de conduire est un plus également.

Ce que nous vous offrons

  • Un véritable accompagnement et un coaching personnalisé pour développer votre projet professionnel et personnel ;
  • Une grande flexibilité et une autonomie organisationnelle pour concilier vie professionnelle et vie privée ;
  • Une structure à taille humaine où votre avis compte et votre contribution est directement visible ;
  • L’opportunité de participer activement au développement du cabinet et de voir l’impact concret de votre travail, notamment en participant à une multitude d’évènements artistiques et culturels ;
  • La possibilité de développer votre clientèle personnelle;
  • Le cabinet s’aligne sur la rémunération au forfait imposée par le barreau de Bruxelles, avec un possibilité de bonus en fonction de votre investissement dans les dossiers et au sein du cabinet.

Comment postuler ?

Nous souhaitons découvrir qui vous êtes au-delà de votre CV.

Adressez-nous votre candidature avec:

- une lettre de motivation expliquant pourquoi vous pensez être la bonne personne pour ce poste et pour notre cabinet et un CV à jour,

- un relevé de vos résultats (Mater),

- et tout autre document permettant de connaître votre personnalité (lettre de recommandation, publications, etc.) à :

Me Alexandre Pintiaux

ap@kaleis.be

La confidentialité est garantie.



mardi 27 mai 2025

IA et œuvre d’art : œuvre protégée ? Partie 1

 Avec l’utilisation des outils d’intelligence artificielle, quelle protection est attachée aux œuvres générées par ce type de processus ? 


La création d'images, de textes, de partitions musicales et d'œuvres d'art, y compris des toiles numérisées, par des intelligences artificielles (IA) telles que Midjourney, DALL-E 3 et l'Image Creator de Microsoft Copilot, met en évidence une nouvelle problématique relative aux droits d'auteur. Ces avancées technologiques soulèvent des questions sur la protection des œuvres générées par l'IA et leur statut juridique. Plus particulièrement, la question de l’attribution de l’œuvre joue un rôle fondamental : qui est l’auteur d’une œuvre générée en tout ou en partie par IA ?

Si les œuvres créées par IA étaient médiocres, il n’y aurait probablement pas de problème, mais avec l’essor des nouvelles technologies, une certaine forme de concurrence s’est développée entre l’homme et la « machine », cette dernière étant capable de créer – parfois aussi bien – une œuvre d’art que ne l’aurait fait un être humain. Sans parler (à ce stade) du fait que derrière la machine (l’algorithme), il y aussi le concepteur du programme qui l’a développé dans le but de générer de nouvelles créations.


Protection pour les œuvres d’art

Pour bénéficier de la protection au sens du droit d’auteur, une œuvre doit être originale et mise en forme par la personne qui revendique en être le créateur. De manière générale, le droit d’auteur s’attribue à une personne physique, un individu qui, à travers « ses choix libres et créatifs », marquera l’œuvre générée d’une touche de sa personnalité. Le choix d’un sujet, son interprétation, le support, les couleurs, la technique utilisée sont autant d’outils permettant à l’auteur de mettre en œuvre ses choix personnels.

L’œuvre doit également être mise en forme, c’est-à-dire qu’elle doit être perceptible par les sens. Dans le cas d’une œuvre d’art, le public destinataire doit pouvoir la voir… En revanche une œuvre qui est le fruit du hasard ne sera pas considérée comme protégée au sens du droit d’auteur. 


Une protection juridique pour l’IA ?

Face à tous ces principes, le débat est vif lorsqu’on examine une œuvre générée par IA, en particulier en ce qui concerne la titularité des droits sur l’œuvre qui a été générée puisque, si l’on s’en tient à la législation actuellement en vigueur, le titulaire ne peut être qu’une personne humaine.

La question de la protection de l’œuvre et de la titularité des droits qui y sont liés dépendra comme toujours de la situation de fait. Qu’en est-il lorsque l’œuvre est totalement créée par l’algorithme et donc par une intelligence artificielle ? Est-ce que la machine elle-même pourrait revendiquer un droit d’auteur sur ce qu’elle a créé ? 

Pour qu'une œuvre générée intégralement par IA soit protégée par le droit d'auteur, elle devrait pouvoir répondre aux deux conditions... Quid en pratique ?

La condition de mise en forme sera par potentiellement remplie, puisque notre génération artificielle sera de facto perceptible par les sens. Par contre, cette mise en forme ne sera pas le fruit de l’utilisateur de l’IA… Mais c’est surtout la condition d'originalité qui sera plus complexe à appréhender.

Pour être originale, une œuvre doit refléter la personnalité de son auteur. Celui-ci doit apporter une touche personnelle pour que cette condition soit remplie. Ainsi, le concept même d’originalité au sens du droit d’auteur semble incompatible avec ce que produit la machine car il a été conçu, à l’origine, pour des œuvres créées par des individus ayant une conscience, et non par des machines.

Une machine ne peut, à elle seule, exercer de choix libre et créatif, car elle génère du contenu sans subjectivité, sans intention spécifique et sans capacité réelle d’exprimer une personnalité. Par conséquent, elle ne satisfait pas le critère d'originalité qui repose sur une dimension personnelle et créative propre à l'auteur humain.

Il est d’ailleurs piquant de constater que chat gpt répond globalement à cette question en confirmant ces principes.


En conclusion, la reconnaissance du droit d'auteur en faveur de l’algorithme qui a généré l’œuvre nous apparait clairement contradictoire avec le cadre juridique européen actuel et les exigences de la Cour de justice de l'Union européenne. En revanche, la question reste ouverte du point de vue de l’utilisateur de l’IA et du point de vue du programmateur de l’IA. Nous poursuivrons notre analyse dans notre prochaine chronique.

Alexandre Pintiaux

Emilie Ruelle

Source: shutterstock