vendredi 25 octobre 2024

L’activisme écologique et l’atteinte à une œuvre d’art

Comment la loi appréhende le cas des activistes écologiques qui s’attaquent aux œuvres d’art ? Analyse et nuance sont de mise.


Les images font régulièrement le tour de la toile. La scène se déroule sensiblement de la même manière d’une fois à l’autre. Une caméra est allumée dans un musée. Elle montre souvent des jeunes personnes face à une œuvre connue du grand public. Soudainement, ils retirent un pull ou un manteau montrant un t-shirt portant le slogan ou le message qu’ils veulent faire passer. Ils utilisent ensuite un accessoire qu’ils ont pris soin de dissimuler jusqu’à l’instant fatidique pour s’attaquer à l’œuvre impliquée, bien malgré elle, dans cette scène : de la soupe, un tube de glue, de la crème plus ou moins fraiche, de la peinture, etc. Les personnes déclament ensuite leur revendication jusqu’à l’inévitable intervention du service de sécurité du musée.

Souvent, il s’agit d’une volonté de faire prendre conscience auprès du public de la nécessité de prendre des actions pour le climat.

Une scène devenue presque banale, et décrite par un politicien d’un pays voisin comme étant une forme d’écoterrorisme. Mais comment le droit appréhende ce cas de figure ? Outre l’évidente question du droit pénal (selon les circonstances, détériorer un bien appartenant à autrui est une infraction pénale punissable sur base des articles 526 et suivants du code pénal belge), la réponse varie selon les situations. Nous évoquons les différentes hypothèses ci-après.

Droits de l’auteur

Par définition, dans notre exemple, une œuvre est attaquée par une personne qui n’est pas l’auteur de l’œuvre. L’action est donc faite, a priori, sans l’autorisation du créateur.

Il convient donc de rappeler que, même après la vente du bien, l’auteur d’une œuvre d’art conserve le droit de s’opposer aux atteintes à l’intégrité de sa création. Ceci signifie qu’il peut s’opposer à une détérioration d’une œuvre dans l’hypothèse – très improbable – où l’action serait annoncée à l’avance, mais cela l’autorise aussi à demander des dommages et intérêts lorsque l’action a déjà eu lieu, ce qui apparait être l’hypothèse la plus probable. 

Selon nous, l’atteinte à l’intégrité de l’œuvre peut aussi être faite d’un point de vue intellectuel, dans la mesure où – même en l’absence de détérioration physique – l’artiste peut tout à fait souhaiter ne pas voir son œuvre associée à un courant idéologique auquel il n’adhérerait éventuellement pas.

Dans la pratique, l’auteur de l’œuvre (ou ses ayants-droits si l’auteur est décédé) pourrait se constituer partie civile dans le cadre de la procédure pénale et demander des dommages et intérêts à l’activiste qui serait reconnu coupable de l’infraction.

Ce cas de figure n’est évidemment possible que face à des œuvres modernes et contemporaines et dans la mesure où les droits d’auteur d’artiste concerné seraient encore exploité… De quoi donner des idées aux activistes soucieux d’optimiser le risque juridique de leurs actions ?

Droit du propriétaire

Du point de vue du propriétaire, et sans entrer dans des considérations quant à l’existence d’un contrat d’assurance, l’œuvre qui a été détériorée sera restaurée aux frais de l’activiste qui serait, ici aussi, reconnu coupable de l’infraction pénale. Si l’œuvre devait avoir été complètement détruite par son action, des dommages et intérêts compenseraient utilement la perte du bien. Un dommage indirect pourrait également devoir être réparé (accessoire liés à l’œuvre, intervention de tiers pour le retour au calme, etc).

Comme pour l’auteur, une constitution de partie civile sera nécessaire pour faire valoir ses droits.

A l’inverse – et force est de reconnaitre que c’est souvent le cas – s’il n’y a finalement pas eu de dégradation de l’objet, le propriétaire ne subirait, par définition, aucun dommage de sorte que son action serait probablement jugée irrecevable.


Dans notre prochaine chronique, nous nous pencherons sur le point de vue de notre activiste qui tentera – parfois avec succès – de justifier son action sur base de la liberté d’expression pour éviter ou limiter les effets d’une condamnation. A suivre.

Source: shutterstock