Après les maisons de vente,
les antiquaires et les foires, c’est au tour des entrepôts d’être soumis à la
législation anti-blanchiment. Analyse.
Une série d’Arrêtés Royaux
complétant la loi du 20 juillet 2020 transposant la directive européenne
relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du
blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ont été adoptés par le
législateur dans le cadre de la lutte contre le blanchiment et le financement
du terrorisme.
Dans le cadre de cette
chronique, nous analysons l’Arrêté Royal du 19 avril 2023 spécifique aux
entrepôts.
Quels sont les acteurs
concernés ?
Le législateur entend par « entrepôt »
toute personne qui met à disposition d’un client des espaces destinés à
l’entreposage temporaire ou de longue durée d’œuvres et de bien de plus de 50
ans.
Le client, lui, est le tiers
qui a conclu un contrat avec l’entrepôt dans le but d’entreposer des œuvres et
objets d’art.
Comme les galeries et les
maisons de vente, ceci signifie que l’entrepôt est amené à devoir évaluer le
risque de blanchiment par son intermédiaire. Lorsqu’un nouveau client le
contacte, pèse sur lui une obligation de vigilance qui implique d’identifier le
client, et déterminer si ce client particulier est plus ou moins exposé à un
risque de blanchiment. Dans le pire des cas, une dénonciation doit être faite
auprès de la CTIF sans prévenir préalablement la personne dénoncée (Cellule de
Traitement des Informations Financières).
De ce point de vue, ce sont
les mêmes obligations que les autres acteurs du marché de l’art qui reposent
sur lui.
Quelles
particularités ?
A la différence des autres
acteurs du marché qui doivent appliquer les mesures de contrôle seulement dans
les cas où l’œuvre dépasse le seuil financier de 10 000 EUR, les entrepôts
doivent appliquer ces différents contrôles lors de chaque opération, et ce,
quelle que soit la valeur de l’œuvre ou du bien. Ils doivent donc systématiquement
vérifier l’identité du client ou de ses bénéficiaires. Si cela s’avère impossible,
il est interdit de finaliser l’opération.
Dans chaque entrepôt doit
être désignée une personne chargée de la lutte contre le blanchiment qui va
former les employés en contact avec le client mais aussi veiller à ce que les
mesures de contrôle soient appliquées et qu’en cas d’opération suspecte les
informations soient transmises à l’administration.
Il nous semble surprenant
que l’on n’impose pas ce contrôle à partir d’un certain seuil financier, comme
pourtant le cas pour les autres acteurs du marché de l’art, puisque l’entrepôt
se doit de connaitre la valeur des biens s’y trouvant ne fusse que pour des
raisons d’assurance. Ne pourrait-on pas y voir une atteinte disproportionnée à
la vie privée ? La question mérite d’être posée.
Illustration
Face à un client qui veut y
entreposer ses œuvres d’art ou ses biens meubles de plus de 50 ans, l’entrepôt
doit appliquer les mesures de contrôle avant de conclure un
contrat avec ce client, peu importe la valeurs des biens.
Il va devoir vérifier l’identité
du client ainsi que, le cas échéant, l’identité de ses bénéficiaires. S’il est
impossible de connaitre avec certitude l’identité du client, l’entrepôt ne peut
finaliser l’opération.
Une fois l’identité connue,
il devra également vérifier si le client n’est pas connu pour des faits de
blanchiment grâce
à une recherche internet. Si le client est connu pour de tels faits, il est
déconseillé de conclure. En tous les cas, sa vigilance doit être accrue. Dans
tous les cas, il est conseillé de garder une trace des recherches réalisées.
Enfin, si le client fait
partie des personnes dont les avoirs sont gelés, il sera interdit de conclure le
contrat. En outre, si les faits le justifient, l’entrepôt devra dénoncer ce
client à la CTIF.
Si l’entrepôt dispose de toutes les informations requises, il peut finaliser le dépôt et veillera à conserver pendant 10 ans toutes les informations liées à ce client.