Les œuvres d’art font régulièrement l’objet de demandes de prêt parmi les collectionneurs. Quels avantages et quels risques prennent-ils en confiant temporairement leur bien à un tiers?
De manière générale, le prêt d’une œuvre d’art (et plus généralement tout objet qui ne s’use pas) est défini par le code civil comme étant « un contrat par lequel l'une des parties livre une chose à l'autre pour s'en servir, à la charge pour le preneur de la rendre après s'en être servi » . Dans ce cas, le prêteur reste – logiquement – le seul et unique propriétaire. L’emprunteur, quant à lui, doit garder (dans le sens de surveiller) et conserver l’objet qu’il devra restituer à la fin de la période de prêt.
Sur le marché de l’art, les contrats de prêt sont courants : les prêts d’œuvres font par essence partie de la relation contractuelle entre l’artiste et la galerie qui le représente. Il arrive également qu’un collectionneur soit sollicité afin de prêter une œuvre d’art. Les évènements justifiant cette demande ne manquent pas : rétrospectives et expositions temporaires sont monnaie courante…
Le phénomène ne se limite pas aux plus grandes œuvres. Au contraire, une demande de prêt touche régulièrement toutes les couches du marché de l’art. En Belgique, on voit couramment des rétrospectives d’artistes parfois très connus localement, mais dont le nom est pratiquement inexistant sur la marché international.
Quel est l’intérêt de prêter une œuvre d’art pour un collectionneur ? Généralement, la plupart des personnes préfère rester discrète quant à des éléments de leur patrimoine, et voudrait encore moins se séparer, fusse temporairement, d’une œuvre de qualité. La réponse réside dans le fonctionnement du marché de l’art en tant que tel. En effet, lorsqu’une œuvre est revendue (par exemple au sein d’une maison de vente) un ensemble de paramètres sont examinés afin d’en faire l’évaluation : cote de l’artiste, certificat d’authenticité, mais également le parcours de l’œuvre d’art depuis sa création, or une œuvre qui a été exposée lors d’une rétrospective majeure d’un artiste acquiert un « pédigrée » que n’aurait pas une œuvre du même artiste qui serait totalement inconnue et jamais exposée… L’avantage pour le propriétaire porte donc clairement sur la notoriété qui peut être attachée à son bien et qui, le jour d’une revente éventuelle, peut être source de plus-values.
Si l’avantage est évident, il n’en reste pas moins vrai que faire sortir une œuvre d’art de son « cocon » habituel augmente toutes sortes de risques. Les écueils potentiels sont nombreux : incendie, vol, accident pendant le transport ou durant l’exposition, dégradations…
Dans le cas d’une œuvre d’art, on attachera une attention particulière à la rédaction de la convention de prêt. Qui va supporter les risques ? Le prêteur ? L’emprunteur ? Quels sont les modalités du transport ? Du stockage ? Dans quelles conditions l’œuvre sera exposée ? Quel sera le système de surveillance (gardiennage et/ou alarme) ? Quelles seront les modalités de conservation (hygrométrie) ? Qui prendra en charge le coût de la police d’assurance pour couvrir les risques identifiés ?
Autant de questions qui doivent être examinées avant toute démarche concrète de prêt. Il s’agit de définir à l’avance tous les risques potentiels et de contractualiser les solutions pour y répondre ou les limiter.
Si le contrat reste la seule option sûre à mettre en œuvre lors d’un tel prêt, et donc la seule à conseiller, il n’en reste pas moins vrai que dans beaucoup de cas, le prêteur ne se posera jamais ce type de question. A défaut de convention précise, ce seront les règles générales du code civil qui s’appliqueront, mais elles ne sont malheureusement pas adaptées aux spécificités du marché de l’art.