mardi 25 juin 2013

Vente et défaut d’authenticité : quand le risque est supporté par l’acheteur.

Traditionnellement, les derniers mois de l’année scolaire sont fastes sur le marché de l’art contemporain. De nombreuses maisons tiennent d’importantes ventes et les résultats de cette année ne sont pas en reste: un total de 788 millions est annoncé par les maisons Christie’s et Sotheby’s sur ce segment du marché durant le mois de mai.

Précédemment, durant le mois d’avril et dans une catégorie tout à fait différente, une relique du Roi Louis XVI a été adjugée à 19.000 EUR contre une estimation haute de 6.000 EUR. Il s’agissait d’un morceau d’étoffe qui aurait été trempé dans le sang du défunt roi juste après son exécution. Une feuille de papier y était jointe, celle-ci indiquant « Sang précieux de Louis XVI, 21 janvier 1793. Donné par le colonel Joubert en 1829 ».

En règle, l’achat de tout œuvre d’art implique une prise de risque : destruction, vol, mais aussi et surtout un risque lié à l’authenticité. Suivant le marché de l’art sur lequel l’acheteur évolue, les écueils liés à ce point sont plus ou moins nombreux.

Si dans le cas de l’art contemporain, le risque d’acquérir un faux est limité dans la mesure où il est encore possible de retracer l’origine précise de l’œuvre, dans le cas d’une relique deux fois centenaires (et plus généralement pour toute œuvre ou antiquité), l’acheteur prend un risque plus important. Or dans le cas de la relique, comment s’assurer de l’authenticité d’un tel objet? Le sang qui tache l’étoffe pourrait provenir de n’importe qui. Et il ne peut raisonnablement être attaché au papier annoté la valeur qu’aurait un certificat d’authenticité. Alors qui supporte ce risque ?

En droit de l’art, l’élément clé à prendre en considération est l’information telle qu’elle est fournie à l’acheteur.

Le vendeur cède-t-il l’œuvre (ou l’antiquité) comme une véritable réalisation de tel artiste ? De tel atelier ? De tel courant ? De telle période ? En fonction des déclarations du vendeur, l’acheteur doit pouvoir évaluer le risque lié à l’authenticité. Au final, si cette qualité faisait défaut, il y aurait un vice du consentement de l’acheteur, et justifierait l’annulation de la vente. Dans ce cas, c’est bien le vendeur qui supporte le risque lié à l’authenticité.

A l’inverse, si l’acheteur potentiel a été pleinement informé du risque encouru, il n’y aurait plus moyen d’annuler la vente sur cette base: le consentement a été donné en connaissance de cause.


Tout est une question de faits qui doivent être analysés dans chaque situation. On mesure au passage l’importance de conserver tous les documents liés à la vente d’un bien à haute valeur historique, culturelle, artistique et financière. Dans le cas de la relique de Louis XVI, un expert expliquait que seule une analyse ADN était susceptible de confirmer avec certitude la qualité attachée à l’étoffe. L’acheteur le savait lors de l’achat. Le risque est donc bien supporté par ce dernier à la décharge du vendeur.

vendredi 14 juin 2013

Le collectionneur face aux faussaires.

La presse annonce ce jour le démantèlement d’un réseau de faussaires qui auraient réalisé des contrefaçons d’artistes connus tels que Malevitch et Kandinsky. Après avoir peint les tableaux, ils les vendaient à des collectionneurs privés munis de certificats d’authenticité également contrefaits le tout, évidemment, à des prix conforment à la cote actuelle des artistes sur le marché.

Le certificat d’authenticité est à l’œuvre ce qu’une carte d’identité est à un citoyen. Cependant, comme une fausse carte d’identité, sa falsification trompe l’intéressé sur la véritable qualité de l’objet auquel le certificat est attaché, poussant le cas échéant le même acheteur à acquérir cette œuvre qu’il n’aurait pas pris s’il avait connu ce défaut.

Sur le marché, le risque lié à l’achat d’une œuvre d’art ne peut jamais être négligé. Sauf à passer par un professionnel s’engageant, selon la loi (garantie légale, vices cachés,…) ou ses propres conventions (engagement contractuel), à assurer l’authenticité d’un bien qu’il vend, l’acheteur diminuera le risque en s’informant sur le bien qu’il convoite. Parmi les informations récoltées, certaines attesteront de l’authenticité du bien. Citons à titre illustratif les questions suivantes :

- L’œuvre a-t-elle été exposée lors d’une rétrospective ?
- Les précédents propriétaires sont-ils connus ?
- L’œuvre fait-elle partie d’un catalogue raisonné de l’artiste ?
- L’œuvre a-t-elle déjà été vendue aux enchères ou par un professionnel du marché de l’art ?

Plus généralement, il s’agit de récolter toutes les informations qui déterminent le parcours de l’œuvre et de remonter - idéalement - au moment où elle a quitté l’atelier de l’artiste.


L’avocat, outre de veiller à l’aspect juridique de la transaction, assistera son client dans toutes ces démarches avant l’acquisition de l’objet convoité.

mercredi 12 juin 2013

Quelques réflexions sur le droit de l’art en Belgique.

Le droit de l’art n’est pas une nouvelle branche du droit qui serait comparable au droit civil, au droit de la concurrence, au droit des sociétés ou encore au droit fiscal.

En réalité, que ce soit en Belgique ou ailleurs, le droit de l’art recouvre d’une part quelques sources exclusivement destinées aux acteurs du marché de l’art, mais aussi et plus généralement, des sources dans chacune des branches du droit que le juriste ou l’avocat en droit de l’art va s’approprier et appliquer au marché qu’il connait.

Par exemple, la presse spécialisée parle actuellement du procès de l’ « Arsène Lupin des musées » qui vient de voir un voleur condamné en France à de la prison ferme. Il avait volé plusieurs centaines d’œuvres au sein notamment de galeries et de marchands d’art.

Dans un tel exemple, on pourrait être tenté de viser un droit pénal de l’art (vol d’œuvres d’art et recel de celles-ci). En réalité, de tels faits verront appliquer les règles du code pénal généralement d’usage à tout vol ou tout recel, que ce soit d’une œuvre d’art ou de tout autre objet.


A charge de l’avocat spécialisé en droit de l’art de déceler ces différents outils juridiques et de les utiliser dans l’intérêt des acteurs du marché de l’art qui le consultent. Là réside sa véritable valeur ajoutée.